LaBD de la semaine·Littérature japonaise·Manga

Le chat qui rendait l’homme heureux -et inversement- T1 &2

Quand j’ai lu la mise en bouche en quatrième de couverture, je n’ai pas pu résister car les chats et moi c’est une longue histoire d’amour.

« Fuyuki Kanda est seul et triste. Un jour, il décide d’entrer dans une animalerie où il remarque Fukumaru, un chat pas très beau, gros et plus très jeune. Ce dernier semble triste et désespéré car personne ne veut de lui. Pourtant, de manière inattendue, lhomme va l‘adopter ! » Ainsi commence une cohabitation chaleureuse et une belle histoire d’amour entre un chat répondant au doux nom de Fukumaru (bonheur plein et entier, en japonais) et son maître. Ils ont tous les deux une fêlure dans leur vie, la solitude et une tristesse infinie pour Fuyuki Kanda, le manque d’estime de soi, en raison d’une adoption qui ne vient pas, pour le l’exotic shorthair qui se morfond dans sa cage vitrée. Quelle est l’origine de l’infinie tristesse de Kanda ? Au fil des planches des tomes 1 et 2, on apprend qu’il est en deuil, qu’il a perdu son épouse dans un accident et que depuis le monde s’est arrêté. Fukumaru, tout en rondeurs moelleuses, devient le compagnon, en adoration, de cet homme anéanti par le décès de sa femme. Le chat et l’homme tissent des liens profonds remplis de tendresse et d’amitié grandissante. Ils se font du bien tous les deux : Kanda réapprend à vivre, à prendre soin d’un autre être vivant, à aimer, à choyer et s’ouvre peu à peu au monde extérieur en parlant de son chat, de ses facéties, en montrant des photos de lui. Il renoue le lien social. Fukumaru réapprend la douceur et la chaleur des câlins, des caresses qui lui rappellent le temps où il était choyé par sa mère. Il apprend, petit à petit, à être un vrai chat un brin malicieux, un peu facétieux, légèrement soupe-au-lait, chasseur, explorateur et parfaitement collant !

On apprend également que Kanda est musicien, pianiste de talent qui a tout laissé tomber. C’est son inénarrable Fukumaru qui l’incitera, par ses bêtises, à s’installer de nouveau devant le clavier et jouer quelques notes. Lentement il réapprivoise son passé, celui des compétitions et concours de piano, se réconcilie avec lui parce qu’à vivre au quotidien avec son chat il reprend confiance envers les autres et ose se confronter à ses limites.

« Le chat qui rendait l’homme heureux – et inversement- » est un manga dit « mignon », dont il a tous les codes : les situations comiques que tout propriétaire, euh non colocataire, de chat reconnaîtra avec joie. C’est aussi un manga qui montre les bienfaits qu’a un animal de compagnie sur le moral des humains, la capacité qu’il peut avoir à faire baisser le stress, qu’il peut aider à renouer des liens sociaux avec les autres ou à en forger.

J’ai beaucoup apprécié le graphisme, la manière dont l’autrice, Umi Sakurai, a dessiné Fukumaru, un chat tout en rondeur, noir et blanc comme les représentations du chat porte-bonheur au Japon. Moi, il m’a fait craqué, cet exotic shorthair au look si spécial au point que certains personnages de la série le trouvent laid alors qu’il est mignon comme tout.

J’ai eu un vrai coup de cœur pour ce manga, loin d’être niais, consacré à un chat car au-delà du côté adorable du félin, il aborde le sujet de la solitude des personnes isolées par l’âge ou les aléas de le vie que peut rompre l’arrivée d’un compagnon à quatre pattes et au doux pelage.

Traduit du japonais par Sophie Piauger

Quelques avis :

Babelio

Quelques images (prises sur internet)

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Le récapitulatif des participant(e)s à la BD de la semaine est chez Mokamilla.

Littérature classique·Les classiques c'est fantastique·Littérature chinoise

La cage entrebâillée

Les classiques, c’est fantastique emmenait les participants en Asie, explorer les classiques d’une littérature parfois méconnue. J’en ai profité pour renouer avec la lecture d’un auteur chinois, que j’avais découvert avec « Quatre générations sous un même toit » puis appris à apprécier sa plume avec « Histoire de ma vie » et « Le tireur de pousse », Lao She dont le roman « La cage entrebâillée » attendait depuis plusieurs années, sur une des étagères de ma bibliothèque, que je le choisisse enfin !

Années 1930 à Pékin un mot est sur toutes les bouches : divorce. Une nouvelle législation voit le jour et dans un pays où les mariages ne sont qu’arrangés, certains aimeraient se passer des entremetteurs pour choisir eux-mêmes leur futur conjoint. Cette loi promulgue l’égalité entre les hommes et les femmes, donnant la possibilité à ces dernières de demander le divorce. Lao Li, fonctionnaire au ministère des finances, sur les conseils de son collègue Zhang Dage, célèbre pour l’organisation de rencontres maritales portant leurs fruits, fait venir sa femme et ses enfants auprès de lui, à Pékin. Lao Li, très vite, regrette sa décision car son épouse est loin d’être au fait des manières pékinoises. Il craint qu’elle ne lui fasse honte devant ses collègues de bureau, qu’elle remarque que la bru de leur voisine (qui leur loue la maisonnette en face de la sienne) l’attire par sa taille élancée, sa réserve et sa grâce naturelle ; Mme Li est une campagnarde au franc parler, à la voix forte, un tantinet gouailleuse et à la vêture grossière de la campagne. Heureusement que Zhang Dage ne sait pas que Lao Li a tendance à la rêverie poétique et aimerait enfin rencontrer l’amour, le véritable amour avec une femme ayant les mêmes aspirations que lui, Zhang qui a à cœur que les unions arrangées qu’il a concrétisées durent dans le temps. Or, dans les bureaux du ministère des finances, les fonctionnaires ne parlent plus que de divorce, d’infidélités, de replacement d’épouse. Dans ce concert de coqs en mal d’esbrouffe, Xiao Zhao, homme fat, imbu de lui-même et détestable au plus haut point, expert dans l’art de la manipulation, amant de la femme du directeur du service, célèbre pour ses conquêtes et sa vie de célibataire, fomente nombre de complots en coulisses.

Tout en explorant le thème du divorce encore tabou dans la Chine des années Trente, Lao She dresse un tableau haut en couleurs, incisif et extrêmement drôle d’une société particulière, celle des petits fonctionnaires. Qu’ils peuvent être cruels, médisants, odieux et mesquins ! Que leurs commérages et intrigues peuvent être misérables, presque minables tout cela pour obtenir des miettes de privilèges. Lao Li tente, de son mieux, de rester en dehors des minuscules révolutions de palais, d’ignorer le mépris que Zhao ressent pour tout ceux qui ne sont pas à sa botte, de passer outre aux rodomontades de ses collègues. Il n’appartient à aucune coterie, il est maltraité par Zhao car il ne répond jamais à ses attaques. Lao Li n’aurait-il aucun répondant ? Non, seulement dépassé par tant d’hypocrisie, de jalousie maladive, de médisance, lui qui n’aspire qu’à contempler la beauté du monde. Est-il désintéressé ou un velléitaire qui s’ignore ? Disons que Lao Li est un homme dont les nuances de caractère peuvent agacer, cependant il doit composer avec l’évolution de la société chinoise, enfin surtout pékinoise, devant un mode de vie qui s’achève pour s’effacer et laisser place aux idées nouvelles apportées par le communisme et Mao.

La corruption est inhérente à l’administration et ce depuis que la Chine est la Chine, tribale ou impériale, elle s’insinue dans le moindre recoin de la vie sociale. La corruption va de pair avec les rumeurs lancées sur une personne : ainsi Zhang Dage se voit déconsidéré du jour au lendemain suite à l’arrestation et incarcération de son fils par les forces de l’ordre. En un clin d’oeil, son entourage se raréfie, les portes se ferment au point que Zhang en est réduit à rester enfermé chez lui, honteux, et à graisser des pattes à n’en plus finir pour obtenir sa libération : titres de propriété et main de sa fille unique tombent dans l’escarcelle de l’ignoble Xiao Zhao, homme dénué de sens moral et religieux, dénué de principe et imperméable à toute doctrine politique, et surtout dénué de toute conscience. Lao She m’a régalée de sa verve tant il se plaît à faire vivre le côté trivial de la langue chinoise riche en expressions salaces. Je comprends que cela puisse heurter le lectorat occidental. Il n’épargne rien ni personne dans son roman, il souligne chaque travers de ses contemporains, chaque manquement, chaque fêlure d’une société à l’aube d’un grand bouleversement politique et culturel. « La cage entrebâillée » est un chant du cygne d’une Chine au bord de l’effondrement, un chant alliant tendresse, ironie, tristesse et humour. Une lecture réjouissante, amusante avec des personnages irrésistibles de drôlerie ou détestables au point de n’éprouver aucune empathie pour eux. La lecture est souvent jubilatoire grâce à la facétie et l’art de la satire de Lao She.

Traduit du chinois par Paul Bady et zi-hua Li

Quelques avis :

BabelioCritiques libres

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Le récapitulatif est chez Fanny.

LaBD de la semaine·Littérature japonaise·Manga

Adieu, mon utérus

Yuki Okada, jeune mère de famille, autrice de mangas, a tout pour être comblée : elle a une vie de couple heureuse, est mère d’une adorable de petite fille et travaille dans le domaine qu’elle aime, la création de mangas.

Suite à des règles anormales et douloureuses, elle décide de consulter un médecin. Après analyses médicales, l’annonce qui lui est faite l’assomme, la terrasse même : malgré son jeune âge, elle a un peu plus de trente ans, elle développe un cancer de l’utérus. D’abord sidérée, elle est complètement perdue, ne sachant comment réagir à ce qu’elle vient d’apprendre ; ensuite, elle panique car elle se demande de quelle manière elle informera ses proches au sujet de sa maladie. D’autant plus qu’elle fera face à des choix cruciaux : conserver ou pas un ovaire afin de pouvoir avoir un autre enfant ? Tout sacrifier afin que les métastases ne se propagent pas ? Comment vivre sa féminité sans son utérus ? L’opération la sauvera-t-elle d’un cancer généralisé ? Autant de questions angoissantes qu’essentielles assaillent la jeune femme : mon mari saura-t-il s’occuper de leur fillette et de la maison pendant son absence ? Pourra-t-elle reporter l’envoi de ses dessins ? Quelle taille a son cancer ?

Le manga relate le combat de son autrice face au cancer. Sans rien cacher des angoisses, des peurs, des enjeux médicaux et de leurs douleurs, Yuki Okada met en images les multiples phases par lesquelles elle est passée lors de son parcours de combattante. Elle dessine ses larmes, les embûches rencontrées, les rencontres avec des patientes atteintes du même mal qu’elle, ses cauchemars, son envie de vivre pour profiter de sa petite fille et de sa famille, sans sombrer dans le pathos dégoulinant de mièvrerie. Elle s’enferme parfois dans des moments de solitude pour ne pas penser à ses angoisses, pour s’immerger dans des images de jeux, des échanges sur les réseaux sociaux et oublier ainsi qu’elle pourrait ne pas s’en sortir. A l’issue de ses instants de déprime, elle rebondit avec optimisme, elle apprend d’une sœur de combat qu’elle peut dompter sa peur en donnant un petit nom à son cancer – ce sera « Pitchoune » – et humour – elle se promet de se déguiser en lolita une fois guérie de Pitchoune – notamment quand elle décrit certains médecins qui ne prennent pas de pincettes avec les patients, la psychologie envers le malade n’est pas donnée à tout le monde.

Certaines scènes peuvent être déroutantes pour qui ne connaît pas la culture japonaise notamment celles dans lesquelles l’autrice s’applique à reporter le moment d’informer son époux de sa maladie et de taire cela à sa fille de deux ans, de ne rien dire à son frère qui se marie. Préserver les autres est un maillage important des relations sociales japonaises comme si c’était impudique de parler de ses ennuis à autrui, d’inquiéter les autres inutilement. Cependant, comme tout enfant à qui on ne dit rien, Hinako ressent ce qui se trame et cela se perçoit, dans ses attitudes, au fil du récit et des images.

« Adieu, mon utérus » est un récit autobiographique, un récit pour donner du courage à celles qui vivent le même drame éprouvant. Yuki Okada aborde ce sujet difficile avec réussite ce qui me conforte dans l’idée que le manga est un autre moyen, que celui des mots, de partager des expériences difficiles et de participer à la prévention auprès des jeunes femmes… car le cancer de l’utérus n’est pas réserver à l’après ménopause et que des saignements inhabituels sont des signaux à ne pas ignorer par les femmes.

Un récit émouvant qui m’a beaucoup touchée.

Traduit du japonais par Mireille Jaccard

Quelques avis :

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Le récapitulatif des participants à la BD de la semaine est chez Fanny.

Les premières lignes·Littérature américaine

Les premières lignes #13

Sur une idée de Ma lecturothèque, chaque semaine je prends un livre dans ma bibliothèque et je recopie ses premières lignes.

Aujourd’hui, les premières lignes d’un roman qui m’a beaucoup plu, lu dans le cadre du challenge « En sortir 23 pour 2023 », « Mille femmes blanches » de Jim Fergus. Le roman m’attendait depuis des années sur une étagère de la bibliothèque, sa lecture fut extraordinaire. Par contre, je dois en écrire la chronique.

Résumé

En 1874, à Washington, le président Grant accepte la proposition incroyable du chef indien Little Wolf : troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l’intégration du peuple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart viennent en réalité des pénitenciers et des asiles… l’une d’elles, May Dodd, apprend sa nouvelle vie de squaw et les rites des Indiens. Mariée à un puissant guerrier, elle découvre les combats violents entre tribus et les ravages provoqués par l’alcool. Aux côtés de femmes de toutes origines, elle assiste à l’agonie de son peuple d’adoption…

Les premières lignes

Quand j’étais petit, à Chicago, je prenais un malin plaisir à raconter le soir à mon jeune frère Jimmy toute sorte d’histoires à faire peur à propos de notre ancêtre dérangée, May Dodd. Celle-ci, après avoir été internée dans un asile de fous, s’était enfuie pour vivre chez les Indiens – c’est du moins l’étoffe relativement vague, mais facile à broder, d’une légende familiale tenue secrète.

Nous habitions Lake Shore Drive et, à cette époque, la famille, héritière de « longue » date, était encore fort riche. Notre fortune et notre dynastie avaient été bâties par notre arrière-arrière-grand-père J.Hamilton Dodd. Jeune homme au milieu du XIXè siècle, il avait commencé à labourer les vastes prairies autour de Chicago, parmi les plus fertiles du monde, pour cultiver ses céréales. « Papa », comme l’appellent encore ses descendants, était l’un des fondateurs des Comptoirs de Chicago; il fut l’ami, le copain, le partenaire ou le concurrent de tous les grands entrepreneurs de cette métropole du Midwest alors en plein essor – parmi eux, Cyrus McCormick, l’inventeur de la moissonneuse, Philip Armour et Gustavus Swift, célèbres conservateurs de viande de porc et de boeuf, ou les frères bûcherons Charles et Nathan Mears, qui achetèrent et détruisirent à eux seuls toutes les vieilles forêts de pins du Michigan.

Personne dans la famille ne nous a jamais vraiment parlé de notre arrière-grand-mère May. Au sein des classes aisées, la folie d’un aïeul est pour tous un sujet de profond embarras. Bien des générations plus tard, une fois les mâchoires acérées des « anciens » gros requins de l’industrie et de la finances largement émoussées par une éducation privilégiée dans les clubs de la haute bourgeoisie et des grandes universités privées du Nord-Est, personne chez nous n’avoue encore être directement issu d’une aïeule folle. Dans l’histoire familiale, pour régulièrement revue et augmentée, May Dodd ne représente au plus qu’une note de bas de page: « Naissance le 23 mars 1850 … deuxième fille de J.Hamilton et Hortense Dodd. Internée à l’âge de 23 ans pour troubles nerveux. Décès à l’hôpital le 17 février 1876. » C’est tout.

Alors tent(é)e?

Le jeudi, c'est poésie·Littérature française·Poésie

Le troisième jeudi, c’est poésie #5

Je continue dans la veine hivernale avec un poème de Pierre Reverdy (1889-1960) extrait du recueil « Plupart du temps ». Poète associé au cubisme et aux débuts du surréalisme, il a eu une influence notable sur la poésie moderne de langue française. (Wikipédia)

Calme intérieur

Tout est calme
Pendant l’hiver
Au soir quand la lampe s’allume
À travers la fenêtre où on la voit courir
Sur le tapis des mains qui dansent
Une ombre au plafond se balance
On parle plus bas pour finir
Au jardin les arbres sont morts
Le feu brille
Et quelqu’un s’endort
Des lumières contre le mur
Sur la terre une feuille glisse
La nuit c’est le nouveau décor
Des drames sans témoin qui se passent dehors.

BD·Côté polar·LaBD de la semaine

Dans la tête de Sherlock Holmes

Sherlock s’ennuie-t-il ou la cocaïne produirait-elle de l’ennui ? Le célèbre détective ne s’intéresse pas à grand-chose et ce n’est pas l’affaire du gang des rouquins, relatée dans le Times, qui fera aiguiser tous ses sens au célèbre détective. C’est alors qu’on amène au 221B Baker Street, un homme hagard, dont la clavicule est cassée . Or le simple diagnostic de Watson se révèle être bien plus que cela. Des résidus d’une poudre blanche, un ticket de spectacle très particulier amènent Sherlock Holmes à déduire que le patient ne doit pas être le seul à être impliqué dans l’histoire.

Sherlock Holmes et le Dr Watson décident de mener l’enquête d’autant plus que le patient a parlé d’un spectacle, le soir du sept novembre 1890 sur Wentworth street. Le hic est qu’il ne se souvient de rien et encore moins des circonstances qui l’ont mis dans cet état.. L’indice du chausson féminin porté au pied droit par le Dr Fowler, sera-t-il suffisant ? Il est suffisant pour mettre en branle le cerveau de Holmes à une vitesse vertigineuse.

Une nouvelle enquête s’ouvre ainsi que la « mansarde » d’Holmes, métaphore du précieux, merveilleux et brillantissime intellect sous la plume de Cyril Liéron et grâce aux fabuleux dessins de Benoît Dahan. Tant le scénariste que le dessinateur nous régalent de l’immodestie, de l’arrogance, de la présomption de l’irrésistible Holmes. Ses fulgurances sont mises en images avec brio au point qu’on se retrouve, vraiment, dans la tête du plus célèbre des détectives.

Les auteurs mettent en scène un Holmes filiforme, tel que je me l’étais toujours imaginé, frénétique, toujours en mouvement (sauf quand il fume des pipes lors de ses moments consacrés à l’étude de l’enquête). Watson est à l’image du personnage imaginé : un homme débonnaire, en admiration devant l’extrême intelligence de son ami. Le caractère calme et pondéré de Watson est un élément rassurant au cœur de la frénésie d’Holmes. Holmes, qui sous une exubérance volubile, cache, dans sa tête, une organisation absolument incroyable. Un fil rouge relie les déductions du maestro détective, aidant le lecteur à suivre l’évolution de l’enquête, la récolte des indices, leur traitement en fonction des besoins du moment.

Le récit est riche en rebondissements, il se tient de bout en bout, servi admirablement par les dessins aux couleurs bleues ou sépia, parfaitement adaptées à l’ambiance de l’enquête et du monde de Sherlock Holmes. La richesse du scénario méritait bien deux tomes. Je les ai dévorés avec jubilation.

Je ne détaillerai pas plus l’enquête qui emmène les détectives comme les lecteurs dans le monde fascinant du spectacle asiatique, entre le mage inquiétant et ses tours de magie hallucinants puis les drogues au pouvoir de suggestion parfois mortifère, c’est l’histoire des deux guerres de l’opium menées en Chine par l’Empire britannique.

« Dans la tête de Sherlock Holmes » est un vibrant hommage aux œuvres de Conan Doyle dans le sens où les auteurs connaissent parfaitement leur sujet. Les deux tomes sont de vrais bijoux à savourer sans modération.

En un mot comme en mille, ma lecture fut des plus jubilatoires,

Quelques avis :

Babelio

Lu dans le cadre de:

Le récapitulatif des participants à la BD de la semaine est chez Noukette.

Les premières lignes

Les premières lignes #12

Sur une idée de Ma lecturothèque, chaque semaine je prends un livre dans ma bibliothèque et je recopie ses premières lignes.

Aujourd’hui, les premières lignes d’un roman qui m’avait beaucoup plu, lu dans le cadre Les classiques, c’est fantastique, « Vingt mille lieues sous les mers » de Jules Verne. Une épopée sous-marine extraordinaire, une aventure fascinante et prenante.

Résumé

Un monstre marin, « une chose énorme », ayant été signalé par plusieurs navires à travers le monde, une expédition est organisée sur l’Abraham Lincoln, frégate américaine, pour purger les mers de ce monstre inquiétant. À bord se trouvent le Français Pierre Aronnax, professeur au Muséum de Paris, et Conseil, son fidèle domestique.
Une fois parvenus en vue du monstre, deux immenses trombes d’eau s’abattent sur le pont de la frégate, précipitant Aronnax, Conseil et le harponneur canadien Ned Land sur le dos du monstre… qui s’avère être un fabuleux sous-marin, le Nautilus, conçu et commandé par un étrange personnage, le capitaine Nemo, qui paraît farouchement hostile à toute l’humanité !
Condamnés à ne plus jamais revoir leur patrie, leurs parents, leurs amis, la plus extraordinaire aventure commence pourtant pour les trois hommes…
La mer était une passion pour Jules Verne ; c’est elle l’héroïne de Vingt mille lieues sous les mers, l’un de ses meilleurs et plus célèbres romans.

Les premières lignes

L’année 1866 fut marquée par un événement bizarre, un phénomène inexpliqué et inexplicable que personne n’a sans doute oublié. Sans parler des rumeurs qui agitaient les populations des ports et surexcitaient l’esprit public à l’intérieur des continents, les gens de mer furent particulièrement émus. Les négociants, armateurs, capitaines de navires, skippers et masters de l’Europe et de l’Amérique, officiers des marines militaires de tous pays, et, après eux, les gouvernements des divers Etats des deux continents, se préoccupèrent de ce fait au plus haut point.

En effet, depuis quelques temps, plusieurs navires s’étaient rencontrés sur mer avec « une chose énorme », un objet long, fusiforme, parfois phosphorescent, infiniment plus vaste et plus rapide qu’une baleine….

Alors, tent(é)e

Littérature canadienne·Science Fiction

Lorsque le dernier arbre

Le prologue est explicite et glaçant. Nous sommes en 2038. Depuis deux décennies, la disparition des forêts primaires, des arbres, ces poumons verts de la planète Terre, provoque le déclin de l’humanité. Le monde est peu à peu transformé en désert, la poussière règne quasiment sur tout le globe, apportant misère, désespoir, maladies respiratoires aux êtres vivants. Le Grand Dépérissement ronge les sociétés humaines et la nature qui tente de survivre coûte que coûte. Les arbres, dont l’adaptation aux nouvelles conditions climatiques est lente, se font coloniser par les insectes parasites qui précipitent vers la mort. Dans ce monde précédant l’apocalypse, seuls de rares privilégiés peuvent profiter de l’air pur en séjournant, à prix d’or, près de la Cathédrale arboricole de l’île de Greenwood. Cette île paradisiaque trône non loin des côtes de la Colombie-Britannique, au Canada, accueille les nantis en mal d’air pur, en mal de verdure pour qu’ils puissent de retrouver, se réparer, peut-être se transformer et se rappeler que le cœur, jadis vert, de la planète n’a pas cessé de battre. Espoir vain quand malgré le Grand Dépérissement la course aux profits et à toujours plus d’argent bat toujours son plein ? D’autant plus que Greenwood leur délivre un message mensonger, message que Jake Greenwood doit leur servir, prémâché, en tant que guide forestière. Jake, désabusée, blessée par l’exploitation de l’île et de sa dernière forêt primaire, croule sous les dettes après des études en dendrologie. Elle sait que le mensonge est honteux, elle se tait parce qu’elle doit rembourser ce qu’elle doit et vivoter. Jusqu’au jour où elle envoie tout promener après avoir repérer des zones de brunissement des aiguilles sur quelques arbres de l’île.

A partir de là, l’auteur, Michael Christie, m’a embarquée dans une saga familiale extraordinaire, titillant ma curiosité sur les événements du hasard qui ont construit la famille Greenwood dont chaque membre a son histoire propre. Le cœur du récit est l’histoire de deux jeunes garçons rescapés d’une catastrophe ferroviaire, en Colombie-Britannique, en 1908. Les villageois les recueillent, tout en s’en méfiant, et les confient à une dame cloîtrée depuis des années chez elle – peu à peu on en apprendra la raison – qui les relègue dans une cabane éloignée de sa maison. Harris et Everett grandissent, tels des sauvageons, livrés à eux-mêmes et tissant entre eux des liens profonds d’une affection indéfectible. Sauf que la vie les séparera : Harris deviendra un magnat du bois, un massacreur de forêts primaires pour répondre à l’urgence de la reconstruction à travers le monde. Comment ? En vendant, sans remord aucun, la forêt dans laquelle il a grandi pendant la Grande Dépression. Everett aura un destin plus sombre, mais, à mon avis, plus flamboyant et lumineux, ravagé par les séquelles de la guerre 14-18, devenu errant pouilleux lors de la Grande Dépression et des années sombres qui ont suivi, il rencontrera Willow, un bébé trouvé accroché à une branche d’érable, à qui il s’attachera tel un père à son enfant et fera tout, quitte à en subir les conséquences, pour lui trouver un foyer stable et confortable. Le temps fera le reste car, comme il le souligne souvent « Le temps et moi avons nos petits arrangements ».

Michael Christie fait découvrir ses personnages au fil des chapitres, Harris et son cynisme, sa vie cependant étrange comme s’il gardait au fond de lui sa passion profonde pour les arbres, êtres du règne végétal tellement somptueux, narrant à la largeur de leur tronc l’histoire du monde et des hommes. Ces arbres qui, même coupés, débités en planches et assemblés pour créer des meubles, des escaliers, des poutres, restent vivants après leur abattage. Everett et son mal-être, peut-être sa tristesse de s’être éloigné de son frère, sa plongée dans l’enfer de l’alcool et de l’errance, sa vie en prison pour avoir décidé de protéger Willow, saule en anglais, symbole de l’immortalité dans la mythologie orientale, de la fertilité, aux vertus médicinales connues depuis l’Antiquité. Willow qui deviendra une jeune femme rebelle, activiste écologiste dont l’amour des arbres dépassera celui pour son fils.

Peu à peu, l’auteur dévoile les hasards qui ont construit les Greenwood, les entrelacs relationnels dont sera issue Jake. Le point commun de ces êtres, que rarement les liens du sang unissent, est l’arbre, ses racines et sa canopée parfois vertigineuse. Ils sont tel un arbre aux ramifications multiples et disparates, un tout hétéroclite et unique que le temps laisse croître. Le temps des arbres et des hommes s’écoule différemment, le temps est un des personnages principaux du roman. « Ils sont plus vieux que nos familles et que la plupart de nos noms. Plus vieux que nos formes actuelles de gouvernement, plus vieux même que certains de nos mythes et courants d’idées ».

« Lorsque le dernier arbre » est un roman très dense, protéiforme et vibrant de mille et une émotions. Michael Christie montre combien lors des périodes sombres de l’histoire, le catastrophisme est le même, les visions identiquement sombres que ce soit lors de la Grande Dépression de lors du Grand Dépérissement. Le roman dystopique permet de mettre en avant que les conséquences psychologiques d’une adaptation permanente à un milieu hostile, de décrire les batailles et les solidarités qui se mettent en place lors des périodes apocalyptiques où les hommes font preuve du pire comme du meilleur. Les hommes sauront-ils appliquer ce que dit souvent Everett « Le meilleur moment pour planter un arbre c’était il y a vingt ans. Le second meilleur moment, c’est maintenant. » Et une bouffée d’espoir et d’oxygène m’a rempli les poumons.

Certes, « Lorsque le dernier arbre » est un roman sombre et parfois pessimiste, cependant une note d’espoir est présente dans le sens où acculé, l’être humain pourrait être capable de miracle.

Une lecture passionnante et émouvante, remplie de secrets de famille, qui m’a emportée dans son souffle proche de l’épopée (la scène de la tornade cyclonique emportant dans sa spirale infernale dix mille livres de la bibliothèque d’une ferme canadienne).

Traduit de l’anglais par Sarah Gurcel

Quelques avis :

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BD·La bibli des p'tits chats (ados)·LaBD de la semaine·Littérature française

A l’ombre des murs

Le titre m’a intriguée, aussi m’en suis-je emparée par curiosité. L’histoire se déroule à une époque indéterminée, dans une ville sans nom. Un jeune garçon, un peu rebelle, issu de la bourgeoisie rencontre une jeune fille en fuite. Tache, tel est le nom de ce garçon, aide Jude à trouver refuge dans un étrange endroit, le Cimetière aux Bécanes, aidé par ses deux amis, Rob et Hernie, deux orphelins livrés à eux-mêmes.

Très vite, on se doute que Jude ne dit pas la vérité sur son identité et les raisons de sa fuite. Rob remarque tout de suite qu’elle s’exprime trop bien pour avoir vécu dans un orphelinat. Le lecteur apprend qu’elle est recherchée par un homme semblant ourdir un complot, aidé en cela par La Fouine, patron de la pègre de la ville.

Les adolescents vont vivre de nombreuses péripéties au cours desquelles on apprendra qu’une catastrophe, naturelle ou économique, a provoqué un cataclysme social. La ville, sur laquelle règne une reine tyrannique, est entourée par un immense mur. Protège-t-il vraiment la population ? Le Cimetière des Bécanes regorge de vieux appareils à vapeur volants, mis au rencart suite à une révolte avortée, des années auparavant. Au cours de leurs pérégrinations, les jeunes héros sont confrontés aux fourberies en tout genre, aux menaces et à la violence. La confiance peut être preuve de naïveté, parfois. Parviendront-ils à échapper à la pègre ? A dénoncer le complot visant à renverser le pouvoir en place ?

L’univers dessiné par Marion Laurent sert agréablement le texte d’Arnaud Le Roux. L’ambiance sépia met en valeur le côté steampunk du récit. L’histoire est un peu cruelle, la vie est dure et violente pour les traîne-misère et crève-la-faim des bas-fonds de la ville. Il y a les éléments du conte dans le récit, une quête, des embûches à surmonter, des aides à trouver grâce à la solidarité, un vieil érudit, un bricoleur de génie qui orchestrera le deux ex machina, les méchants vraiment méchants.

J’aurais aimé en savoir plus sur l’univers et l’histoire de chacun des protagonistes, il n’y a pas assez de précisions et on a l’impression de survoler l’ensemble, ce qui est dommage. Autre bémol, le langage familier et argotique amusant au début devient vite lassant.

Quelques avis:

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Lu dans le cadre

Le récapitulatif des participations à la BD de la semaine sont chez Moka

La bibli des p'tits chats (ados)·Littérature française·Science Fiction

Le pays qui descend, T1

J’apprécie beaucoup la littérature jeunesse et jeunes adultes, un domaine toujours inventif et surprenant. Aussi, quand « Masse Critique » a proposé parmi de multiples titres, aussi intéressants les uns que les autres, « Le pays qui descend » de David Camus, que je ne connaissais pas du tout, je me suis mise sur les rangs.

Li, quinze ans, vit dans le village de Cent-Maisons (et pas une de plus) sur le Vertical, une montagne tellement grande et haute qu’on n’en voit ni le haut et le bas. Li est blonde aux yeux clairs alors que les habitants du village sont tous bruns. Li est une enfant trouvée, un soir de blizzard, et adopté par Tokamak et Okami, son épouse. Ils viennent de perdre leur fils unique, Jubal, qui est tombé, accidentellement, dans le Vide. Li est une étrangère, une Sans-Nom, presqu’une paria. D’ailleurs, elle n’a pas le droit d’étudier plus que nécessaire et encore moins de se préparer auprès de Maître Babackas et des Pionniers pour le Grand Voyage. Cependant Li est appelée par Babackas pour s’occuper des bouquetins, montures idéales pour l’aventure en montagne, tandis qu’il dispense son enseignement à ses cinq Pionniers … à croire qu’il a décelé en elle le petit quelque chose qui fait d’elle un être à part, lui permettant, ainsi, de profiter de ses leçons.

L’univers de Li bascule le jour où les Transhumants, venant d’en-haut, arrivent au village. Ils amènent avec eux fanatisme et violence au point que le chaos s’empare de Cent-Maisons (et pas une de plus). Entre les Plongeurs du Vide qui se lancent, exaltés, s’envolant en pleine extase vers le Bas, et Eribus, le Gouru sanguinaire des Transhumants, voulant offrir Li en sacrifice au Vide, cette dernière n’a plus qu’une seule issue pour sauver sa vie : rejoindre, sans bâton de pèlerin, les Pionniers prêts à partir pour le Grand Voyage. C’est que dans ce monde issue de la Grande Catastrophe qui vit l’humanité se réfugier dans cette montagne gigantesque, il est impossible de monter, non, il est impératif d’envoyer ses enfants descendre vers le Tout-en-Bas et ne jamais revenir, pour améliorer le prestige de la famille. Le graal est de parvenir au pied de la montagne afin que les hommes rejoignent la terre ferme.

Li et les Pionniers partent en quête du Tout-en-Bas, portant les espoirs des leurs et ceux de l’humanité condamnée à vivre dangereusement sur les pentes de la montagne. Une aventure dangereuse les attend avec des rencontres aussi épouvantables que joyeuses avec la faune des pentes et les communautés inconnues qui y sont accrochées.

David Camus m’a entraînée avec son écriture rythmée, ses dialogues et ses descriptions d’un monde imaginaire original, dans une quête mystique au cours de laquelle les jeunes héros se perdent et se retrouvent, grandis par les tourments vécus, les dures réalités d’un monde sans pitié et l’ancrage inamovible dans une solidarité et une amitié à toute épreuve. « Le pays qui descend » est le premier volet d’un diptyque de roman d’initiation à la saveur d’une enfance qui laisse place au passage à l’âge adulte. La quête, a priori impossible, est ce rite de passage obligé, mêlant douceur, regrets, nostalgie, cruauté et espérance.

Les personnages ont une réelle profondeur, de celle qui fait que j’ai pu les accompagner sans m’ennuyer une seconde. Ils m’ont fait peur, ils m’ont fait rire et pleurer. Je les ai aimés ou détestés, ils m’ont touchée, émue par leur monde qui ne les épargne pas. Les retrouvailles improbables avec Jubal dans un décor post-apocalyptique d’une arène romaine, sont terrifiantes et épiques : au cours d’un combat pour la liberté, Li comprend qu’elle appartient à la lignée régnant sur Cuzco, la ville d’en-Bas, celle qui empêche les pèlerins de réussir leur quête et les réduit en esclavage. Cuzco, aux accents terribles de conquête violente et de trésor à trouver, ville steampunk entre technologie apprise tant bien que mal des manuscrits tellement anciens qu’on se demande à quelle civilisation disparue ils appartiennent, et ambiance antique, est le cœur d’un absolutisme cruel, destructeur et obscurantiste, donnant la part belle à la société dominante. Cuzco et ses machines volantes a-t-elle l’ambition de monter au sommet de la montagne ?

Li n’est pas au bout de ses surprises… et si elle était l’élément manquant d’un puzzle incroyable ? Et si la quête ne s’arrêtait pas une fois le Tout-en-Bas-Tout-en-Bas atteint ?

Je remercie Babelio, Masse Critique et les éditions Laffont pour cette lecture trépidante.

Quelques avis :

Babelio

Le pays qui descend, tome 1 par David Camus

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David Camus

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