En octobre, les classiques c’est fantastique donnait le choix de lire soit un prix Nobel, soir un prix Goncourt. J’avais jeté mon dévolu sur un roman qui traînait depuis des années sur une étagère de ma bibliothèque, à cent pages de la fin je me suis aperçue que l’auteur n’avait jamais reçu le Nobel, ce qui est fort dommage. En catastrophe j’ai du choisir une autre lecture et c’est « Weekend à Zuydcoote » de Robert Merle qui a eu la préférence. Le roman paraît en 1949 et emporte le prix Goncourt de la même année.
Les armées allemandes ont contourné la Ligne Maginot pour déferler sur les armées alliées par la Belgique. De reculade en reculade, une grande partie des forces franco-britanniques se retrouvent acculées dans la poche de Dunkerque, dos à la mer, sans d’autres choix que ceux de se rendre ou de tenter une fuite vers l’Angleterre pour sauver ce qui peut l’être.
Dunkerque, Bray-dunes, Zuydcoote et leurs plages infinies, leur bord de mer agréable, joyeux, leurs villas somptueuses ou biscornues, les souvenirs de pêche à pied, de bains de mer quand le monde était encore insouciant. Maintenant, ces villes balnéaires sont devenues muettes et désertes dans l’attente d’un déferlement ennemi. On suit d’abord Maillat, un sergent français, et ses déambulations dans une ville morte, encombrée de véhicules inutiles. Il règne un étrange calme, un presque silence angoissant brisé par les explosions erratiques d’obus allemands et les raids aériens des stukas. Puis on fait connaissance avec ses compagnons d’infortune, Pierson, Alexandre, Dhéry puis Pinot et son fusil mitrailleur. Pendant deux jours, les quatre hommes vivront un quotidien chaotique avec un point de repère important : la popote, une ambulance transformée en bivouac et lieu de vie.
Robert Merle met en scène le quotidien, presque surréaliste, des soldats acculés sur les plages : entre les tâches ménagères et les rencontres macabres, entre des scènes hallucinantes telle que la répartition par nationalité des soldats sur les plages ou encore le ballet aérien des avions meurtriers semblant se délecter de l’attente insoutenable de la mort ou de la délivrance subie par les soldats, le lecteur est immergé dans la folie humaine. La tension du récit monte avec régularité, entre chaque focus sur un élément ordinaire. Arrive, ensuite, ce qui dévoile l’horreur permanente et amène chacun à vouloir quitter l’enfer d’un été balayé par l’invasion allemande : qui recherche des habits civils, qui espère pouvoir embarquer, qui se résigne à être un prisonnier en devenir. Le week-end est long, s’étire interminablement sous la plume extraordinaire de Robert Merle dont les personnages sont bien incarnés, et ancrés dans leur complexité d’être humains, au cœur du contexte historique dans lequel ils évoluent. La gouaille du sergent Maillat scande ses moments de faiblesse et des actes de courage, d’empathie et de solidarité … l’écriture de l’auteur fait que j’étais en immersion totale.
« Week-end à Zuydcoote » est le premier roman de Robert Merle et augure une maîtrise narratrice qui s’épanouira au fil de ses publications. Un classique de la littérature d’après-guerre qui vaut le détour.
Quelques avis:
Un extrait du film d’Henri Verneuil
Lu dans le cadre
Le bilan Prix Goncourt vs Prix Nobel chez Mokamilla