Le jeudi, c'est poésie·Littérature française·Poésie·Printemps des poètes

Le troisième jeudi c’est poésie #7

La floraison des pommiers, encore timide, m’a fait penser à un producteur de pomme bio du marché guingampais. Thierry le Pennec, un homme contemplatif aimant écrire de la poésie. Il n’est pas connu du grand public mais est reconnu dans le monde feutré de la poésie. Son écriture suit la scansion de la langue bretonne ce qui donne à ses poèmes un rythme particulier. Ses poèmes me touchent beaucoup, aussi souhaitai-je en partager un avec vous. Extrait de « Le visage du mot: fils »

Car le renard

alors on s’y remet à la clôture des oies

sacrées le fils et moi chantier

depuis des années entamé interrompu abandonné

repris en stand-by à nouveau les herbes

en le futur enclos les ronces on s’y remet

de nos rouleaux de grillage fil de fer

en l’ancienne venelle vieux chemin charretier

de ses talus tombés le ru l’emplacement

sur le bord du verger ô mes belles

verrai-je un jour

vos cous graciles parmi les pommiers?

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Le troisième jeudi, c’est poésie #6

Le printemps s’annonce avec la floraison de mon prunus. Cette année, il est absolument magnifique. Aujourd’hui je ne partagerai pas le poème d’un poète connu. La poésie n’appartient pas à quelques uns, elle est à tout le monde. Verlane Marmotin (anagramme de son nom, Martine Le Morvan) écrit et photographie pour illustrer ses textes. Ils m’ont beaucoup touchée et ils ont eu le don de me faire sentir bien ou mieux, selon le moment de lecture. J’ai choisi un poème de son premier recueil « Voir avec le coeur ». Elle n’est pas aussi célèbre que Sylvain Tesson, elle sait s’arrêter pour observer la nature et en extraire du Merveilleux, quelques instants suspendus de la réalité ouvrant une porte sur l’ailleurs.

Frisson

Au bord du lac gelé

Les elfes et les fées

Viennent au point du jour

Rire et chanter l’amour.

Ils ne laissent autour d’eux

Que des reflets discrets

De leur joyeuse farandole,

Juste un frémissement

A la surface de l’eau

Comme le souffle caressant

De ton amour sur ma peau.

Regarde comme c’est beau…

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Le troisième jeudi, c’est poésie #5

Je continue dans la veine hivernale avec un poème de Pierre Reverdy (1889-1960) extrait du recueil « Plupart du temps ». Poète associé au cubisme et aux débuts du surréalisme, il a eu une influence notable sur la poésie moderne de langue française. (Wikipédia)

Calme intérieur

Tout est calme
Pendant l’hiver
Au soir quand la lampe s’allume
À travers la fenêtre où on la voit courir
Sur le tapis des mains qui dansent
Une ombre au plafond se balance
On parle plus bas pour finir
Au jardin les arbres sont morts
Le feu brille
Et quelqu’un s’endort
Des lumières contre le mur
Sur la terre une feuille glisse
La nuit c’est le nouveau décor
Des drames sans témoin qui se passent dehors.

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Le troisième jeudi, c’est poésie #4

Exceptionnellement, je poste mon poème du mois le quatrième jeudi, la semaine dernière fut très chargée et fatigante. J’ai choisi un auteur que j’apprécie beaucoup, cantonné depuis longtemps dans la catégorie poète pour écoliers, Maurice Carême. Il est né à Wavre le 12 mai 1899 et décédé à Anderlecht le 13 janvier 1978. Il est vrai que j’aime beaucoup apprendre ses poèmes à mes petits élèves. Aujourd’hui un poème hivernal.

Il a neigé

Il a neigé dans l’aube rose

Si doucement neigé

Que le chaton noir croit rêver.

C’est à peine s’il ose

Marcher.

Il a neigé dans l’aube rose

Si doucement neigé

Que les choses

Semblent avoir changé.

Et le chaton noir n’ose

S’aventurer dans le verger.

Se sentant soudain étranger

A cette blancheur où se posent,

Comme pour le narguer,

Des moineaux effrontés

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Le troisième jeudi, c’est poésie #3

Après la Corée, la France avec un poète contemporain inspiré par la Corse. Le poème, en prose, que je vous offre, ressemble à un haïku. Le poète s’appelle Joël Bastard et le recueil poétique dans lequel j’ai pioché s’intitule « Casaluna ».

Le soleil aussi récupère les engrenages dispersés d’une forêt de prêles.

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Le troisième jeudi, c’est poésie #2

Après un extrait du recueil « Les amours jaunes » de Tristan Corbière, j’ai choisi de vous faire lire un poème coréen extrait du recueil « Fleurs d’azalée » de Kim So-wol, poète représentatif de la période d’occupation japonaise. Il a vécu une courte vie (1902-1934), semée d’embûches, et ce recueil est son unique production poétique.

« Lorsque, agacé de me voir,
Vous me quitterez,
Sans un mot, doucement, je me résignerai à vous laisser partir.
Les fleurs d’azalée
Du mont Yak à Yeongbyeon
Je me résignerai à les répandre à pleines brassées, sur le chemin que vous prendrez.
À chacun de vos pas,
S’il vous plaît, partez en foulant légèrement
Ces fleurs éparses. »
Poème dans la traduction de Mme Kim Hyeon-ju et M. Mesini

« 나 보기가 역겨워
가실 때에는
말없이 고이 보내 드리우리다.
영변에 약산
진달래꽃
아름따다 가실 길에 뿌리우리다.
가시는 걸음 걸음
놓인 그 꽃을
사뿐히 즈려 밟고 가시옵소서. »
— Poème dans la langue originale

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Le troisième jeudi, c’est poésie #1

L’idée me trottait dans la tête depuis le « Mois anglais » au cours duquel j’ai pu lire le blog d’un participant Claude Turquety qui offre à ses lecteurs, un lundi par mois, un poème. Dans ce monde qui tourne à cent à l’heure, se poser pour lire un poème devient une méditation de pleine conscience. Chez moi, ce sera le troisième jeudi de chaque mois. Le poème inaugural choisi est extrait du recueil de poèmes de Tristan Corbière « Les Amours jaunes » (Ed nrf poésie/Gallimard)

LE CRAPAUD

Un chant dans une nuit sans air…

La lune plaque en métal clair

Les découpures du vert sombre.

… un chant; comme un écho, tout vif

Enterré, là, sous le massif …

-Ca se tait: Viens, c’est là, dans l’ombre …

-Un crapaud! – Pourquoi cette peur,

Près de moi, ton soldat fidèle!

Vois-le, poète tondu, sans aile,

Rossignol de la boue …. – Horreur! –

… Il chante. – Horreur!! – Horreur pourquoi?

Vois-tu pas son oeil de lumière…

Non: il s’en va, froid, sous sa pierre.

Bonsoir – ce crapaud-là c’est moi.