Sur une idée de Ma lecturothèque, chaque semaine je prends un livre dans ma bibliothèque et je recopie ses premières lignes.
Aujourd’hui, les premières lignes d’un roman qui m’a beaucoup plu, lu dans le cadre du challenge « En sortir 23 pour 2023 », « Mille femmes blanches » de Jim Fergus. Le roman m’attendait depuis des années sur une étagère de la bibliothèque, sa lecture fut extraordinaire. Par contre, je dois en écrire la chronique.
Résumé
En 1874, à Washington, le président Grant accepte la proposition incroyable du chef indien Little Wolf : troquer mille femmes blanches contre chevaux et bisons pour favoriser l’intégration du peuple indien. Si quelques femmes se portent volontaires, la plupart viennent en réalité des pénitenciers et des asiles… l’une d’elles, May Dodd, apprend sa nouvelle vie de squaw et les rites des Indiens. Mariée à un puissant guerrier, elle découvre les combats violents entre tribus et les ravages provoqués par l’alcool. Aux côtés de femmes de toutes origines, elle assiste à l’agonie de son peuple d’adoption…
Les premières lignes
Quand j’étais petit, à Chicago, je prenais un malin plaisir à raconter le soir à mon jeune frère Jimmy toute sorte d’histoires à faire peur à propos de notre ancêtre dérangée, May Dodd. Celle-ci, après avoir été internée dans un asile de fous, s’était enfuie pour vivre chez les Indiens – c’est du moins l’étoffe relativement vague, mais facile à broder, d’une légende familiale tenue secrète.
Nous habitions Lake Shore Drive et, à cette époque, la famille, héritière de « longue » date, était encore fort riche. Notre fortune et notre dynastie avaient été bâties par notre arrière-arrière-grand-père J.Hamilton Dodd. Jeune homme au milieu du XIXè siècle, il avait commencé à labourer les vastes prairies autour de Chicago, parmi les plus fertiles du monde, pour cultiver ses céréales. « Papa », comme l’appellent encore ses descendants, était l’un des fondateurs des Comptoirs de Chicago; il fut l’ami, le copain, le partenaire ou le concurrent de tous les grands entrepreneurs de cette métropole du Midwest alors en plein essor – parmi eux, Cyrus McCormick, l’inventeur de la moissonneuse, Philip Armour et Gustavus Swift, célèbres conservateurs de viande de porc et de boeuf, ou les frères bûcherons Charles et Nathan Mears, qui achetèrent et détruisirent à eux seuls toutes les vieilles forêts de pins du Michigan.
Personne dans la famille ne nous a jamais vraiment parlé de notre arrière-grand-mère May. Au sein des classes aisées, la folie d’un aïeul est pour tous un sujet de profond embarras. Bien des générations plus tard, une fois les mâchoires acérées des « anciens » gros requins de l’industrie et de la finances largement émoussées par une éducation privilégiée dans les clubs de la haute bourgeoisie et des grandes universités privées du Nord-Est, personne chez nous n’avoue encore être directement issu d’une aïeule folle. Dans l’histoire familiale, pour régulièrement revue et augmentée, May Dodd ne représente au plus qu’une note de bas de page: « Naissance le 23 mars 1850 … deuxième fille de J.Hamilton et Hortense Dodd. Internée à l’âge de 23 ans pour troubles nerveux. Décès à l’hôpital le 17 février 1876. » C’est tout.
Alors tent(é)e?