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Adieu, mon utérus

Yuki Okada, jeune mère de famille, autrice de mangas, a tout pour être comblée : elle a une vie de couple heureuse, est mère d’une adorable de petite fille et travaille dans le domaine qu’elle aime, la création de mangas.

Suite à des règles anormales et douloureuses, elle décide de consulter un médecin. Après analyses médicales, l’annonce qui lui est faite l’assomme, la terrasse même : malgré son jeune âge, elle a un peu plus de trente ans, elle développe un cancer de l’utérus. D’abord sidérée, elle est complètement perdue, ne sachant comment réagir à ce qu’elle vient d’apprendre ; ensuite, elle panique car elle se demande de quelle manière elle informera ses proches au sujet de sa maladie. D’autant plus qu’elle fera face à des choix cruciaux : conserver ou pas un ovaire afin de pouvoir avoir un autre enfant ? Tout sacrifier afin que les métastases ne se propagent pas ? Comment vivre sa féminité sans son utérus ? L’opération la sauvera-t-elle d’un cancer généralisé ? Autant de questions angoissantes qu’essentielles assaillent la jeune femme : mon mari saura-t-il s’occuper de leur fillette et de la maison pendant son absence ? Pourra-t-elle reporter l’envoi de ses dessins ? Quelle taille a son cancer ?

Le manga relate le combat de son autrice face au cancer. Sans rien cacher des angoisses, des peurs, des enjeux médicaux et de leurs douleurs, Yuki Okada met en images les multiples phases par lesquelles elle est passée lors de son parcours de combattante. Elle dessine ses larmes, les embûches rencontrées, les rencontres avec des patientes atteintes du même mal qu’elle, ses cauchemars, son envie de vivre pour profiter de sa petite fille et de sa famille, sans sombrer dans le pathos dégoulinant de mièvrerie. Elle s’enferme parfois dans des moments de solitude pour ne pas penser à ses angoisses, pour s’immerger dans des images de jeux, des échanges sur les réseaux sociaux et oublier ainsi qu’elle pourrait ne pas s’en sortir. A l’issue de ses instants de déprime, elle rebondit avec optimisme, elle apprend d’une sœur de combat qu’elle peut dompter sa peur en donnant un petit nom à son cancer – ce sera « Pitchoune » – et humour – elle se promet de se déguiser en lolita une fois guérie de Pitchoune – notamment quand elle décrit certains médecins qui ne prennent pas de pincettes avec les patients, la psychologie envers le malade n’est pas donnée à tout le monde.

Certaines scènes peuvent être déroutantes pour qui ne connaît pas la culture japonaise notamment celles dans lesquelles l’autrice s’applique à reporter le moment d’informer son époux de sa maladie et de taire cela à sa fille de deux ans, de ne rien dire à son frère qui se marie. Préserver les autres est un maillage important des relations sociales japonaises comme si c’était impudique de parler de ses ennuis à autrui, d’inquiéter les autres inutilement. Cependant, comme tout enfant à qui on ne dit rien, Hinako ressent ce qui se trame et cela se perçoit, dans ses attitudes, au fil du récit et des images.

« Adieu, mon utérus » est un récit autobiographique, un récit pour donner du courage à celles qui vivent le même drame éprouvant. Yuki Okada aborde ce sujet difficile avec réussite ce qui me conforte dans l’idée que le manga est un autre moyen, que celui des mots, de partager des expériences difficiles et de participer à la prévention auprès des jeunes femmes… car le cancer de l’utérus n’est pas réserver à l’après ménopause et que des saignements inhabituels sont des signaux à ne pas ignorer par les femmes.

Un récit émouvant qui m’a beaucoup touchée.

Traduit du japonais par Mireille Jaccard

Quelques avis :

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Lu dans le cadre

Le récapitulatif des participants à la BD de la semaine est chez Fanny.

12 commentaires sur “Adieu, mon utérus

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