LaBD de la semaine·Non fction/ Essai·Roman graphique/BD

La petite bédéthèque des savoirs, T22: le libéralisme

Cette semaine est consacrée aux bulles documentaires et, bien ennuyée par le thème, je suis allée demander conseil auprès des bibliothécaires de la médiathèque. Elles m’ont présenté le seul tome, sur les étagères, de la « Petite bédéthèque des savoirs » aux éditions du Lombard : « Le libéralisme » écrit par Pierre Zaoui, professeur de philosophie, et mis en images et couleurs par Romain Dutrex.

L’objet en lui-même est très agréable, la couverture est géniale et donne envie d’ouvrir l’ouvrage. Je me suis donc lancée.

Vous saurez tout sur le libéralisme en lisant cet opus, érudit mais pas trop, vulgarisant avec efficacité les notions contenues dans le libéralisme. Les illustrations, très drôles et colorées, sont au service du texte, parfois ardu, et permettent au béotien de ne pas fermer le l’album.

D’emblée, j’ai été confrontée à la polysémie du mot « libéralisme », tellement polysémique qu’il en devient abstrait et un véritable fourre-tout. J’ai suivi, tant bien que mal, les premières théories du XVIIIè siècle, accompagnée par les mânes de David Hume et de Montesquieu. Ces derniers ont aussi bien du mal à comprendre les multiples nuances du libéralisme : entre le début de l’industrialisation, en passant par la Révolution russe, le programme économique du Parti communiste chinois, François Fillon, Emanuel Macron et les migrants du XXIè siècle en quête de libertés, il y a de multiples déclinaisons aussi contradictoires qu’antagonistes. Nos deux fantômes en goguette cherchent à comprendre comment le monde en est arrivé là. Ils en lisent des livres au point qu’ils squattent une librairie des heures durant ! Ils se désespèrent en constatant que le libéralisme qu’ils avaient imaginé est devenu tellement protéiforme qu’on ne peut le résumer en quelques mots.

Au commencement, tout allait bien : le libéralisme était un moyen pour obtenir une paix perpétuelle grâce aux libertés et aux échanges tant économiques que culturels. Rapidement, le libéralisme part dans toutes les directions, oubliant par-ci une once d’humanisme, ajoutant par-là une dose d’égoïsme. Pourtant de loin, « les libéraux sont tous différents, des esprits libres et des individus singuliers » …. de loin seulement car il suffit d’ôter les masques pour que derrière s’affiche le même désir du profit, un profit pas vraiment pour le bien commun. Alors quand l’idée, très belle au départ, du libéralisme a-t-elle dérapé ? Sans doute lorsque le libéralisme est devenu un concept-monde où tout est tellement imbriqué que son côté émancipateur se transforme en système aliénant.

Nos deux revenants s’interrogent « Où ça a merdé ? » et Montesquieu de lire à haute voix un passage édifiant « Autrement dit, la finalité des premiers libéraux – la paix – les a conduit à promouvoir un système aussi efficace que dangereux car risquant à chaque instant de rendre à nouveau la guerre désirable, y compris sous des formes encore pires que celles qu’ils avaient jusque là connues… » Quand ils terminent de compulser les ouvrages sur les guerres mondiales, ils sont consternés et se disent que les hommes sont loin d’être matures pour mettre en place un vrai libéralisme.

Bon, alors, c’est quoi le libéralisme, en vrai ? Issu d’un désir de justice nouvelle et d’une nouvelle soif de l’or. Né d’un désir d’ordre et de révolution, de libération que de soumission des masses au travail, d’un désir de paix et de solidarité avec en corollaire celui de la lutte incessante pour dominer l’autre. D’un côté des idéaux honorables, de l’autre des pulsions horribles et mortifères. De quoi avoir mal au crâne à force de vouloir rendre clair ce qui paraît plus que flou.

Le libéralisme, c’est comme à la Foirfouille, on trouve de tout.

« Le libéralisme » est un opus dans lequel les auteurs font la part belle à l’humour ce qui permet de ne pas perdre le lecteur. L’introduction de Pierre Zaoui donne des bases pour comprendre le discours tenu dans le documentaire. Le glossaire est très bien ciblé et est accompagné par un index des théoriciens, des économistes, des philosophes cités dans l’ouvrage.

Une bédé documentaire intelligente que j’ai pris plaisir à lire.

Quelques avis:

Babelio

Quelques images:

Lu dans le cadre

D’autres bulles à découvrir et à lire chez Fanny.

Non fction/ Essai

Le complot en littérature

Il est dit que 2024 sera l’année au cours de laquelle je m’appliquerai à sortir de ma zone de confort en lecture…. à mes risques et périls ce qui, j’ose croire, m’ouvrira d’autres horizons. Aussi, quand Masse Critique lança, il y a un mois, son opération « Non fiction » j’y ai participé et eu le plaisir d’être sélectionnée pour lire un des titres choisis : « Le complot en littérature » d’Alain Corbellari, professeur de littérature française médiévale aux universités de Lausanne et de Neuchâtel. Tout un programme ! Y aura-t-il du croustillant, du jamais vu ni entendu, de nouvelles théories surprenantes, des bouleversements de lignes consensuelles ? Le monde littéraire peut-il monter des complots aussi controversés que ceux produits par notre société moderne doutant de tout et de n’importe quoi ?

Rien de tout cela …. quoique les passes d’armes à propos de l’identité de Shakespeare, d’Homère ou encore de la paternité des pièces de Molière ont férocement défrayé les chroniques littéraires du 19è siècle.

J’ai appris beaucoup de choses intéressantes notamment l’apport de la science dans les débats de paternité littéraire, de mystification et autre forgerie littéraire autour d’un soupçon ou d’un début d’idée. Le professeur Alain Corbellari m’a menée à la croisée des chemins entre les théories littéraires (qui m’étaient familières lorsque j’étais étudiante en Lettres) et l’épistémologie. Il étudie la puissance des imaginaires du terrain et les pratiques contemporaines d’enquête et rend passionnante son étude des complots littéraires. Certaines mystifications sont jubilatoires tant elles sont élaborées avec soin en s’appuyant sur quelques vérités, d’autres ne sont que de pauvres baudruches explosant à la moindre étude stylographique.

« Le complot en littérature » se lit facilement car l’écriture de l’auteur est accessible, fluide et souvent pleine d’humour. Alain Corbellari, dans quelques études de cas (de fausses chartes ont été écrites au Moyen Age pour justifier les prétentions temporelles de l’Eglise, des auteurs romantiques ont falsifié leurs sources pour satisfaire le désir de racines de leurs contemporains, l’invention d’Emile Ajar par Romain Gary pour simple satisfaction personnelle, à savoir se gausser des grands critiques de l’époque) montre combien les pratiques, et les théories qui de l’apparente mystification inoffensive au complot avéré, s’appliquent à bousculer nos croyances littéraires. La ligne est très mince entre les amusements littéraires et les dangers de déstabilisation du savoir et de la désinformation exponentielle, signature de notre époque. L’information circule tellement vite par les réseaux sociaux et internet que le recul n’existe plus et laisse place aux émotions brutes.

Je remercie Masse Critique et les Presses Universitaires de Vincennes pour cette lecture riches en enseignements.

Le complot en littérature par Alain Corbellari

Le complot en littérature

Le complot en littérature

Alain Corbellari

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