Côté polar·Le Mois anglais·Littérature anglaise

Les petits meurtres à l’heure du thé: briseur de coeurs

Depuis plusieurs semaines l’envie de découvrir cette nouvelle série, proche du cosy mystery, me taraudait. Comme elle met en scène un nouveau couple de détectives, je me suis lancée dans la lecture du premier opus « briseur de coeurs ».

Kitt Hartley est bibliothécaire à l’université de York, petite ville anglaise tranquille, depuis dix ans, depuis que Theo, son ex-compagnon l’a quittée sans aucune explication pour disparaître de sa vie. Coeur brisé, Kitt préfère les romans policiers aux aventures masculines tant elle a peur de souffrir encore. Elle consacre ses soirées à ses lectures, à son chat Lago et à sa meilleure amie Evie, masseuse dans un salon de beauté.

Elle travaille en harmonie (et avec complicité) avec son assistante Grace, une « as » des recherches sur internet et pro de la préparation du thé Lady Grey qu’elle consomme sans modération.

Tout bascule le jour où l’ex petit ami d’Evie est retrouvé mort empoisonné avec un stylo planté dans la poitrine et un message reprenant mot pour mot une phrase d’Evie postée sur sa page Facebook. Evie est suspectée malgré les protestations de Kitt. Il faut dire que tout concorde pour accuser Evie de meurtre.

Avec opiniâtreté, Kitt, aidée par Grace, mettra tout en œuvre pour prouver l’innocence de sa meilleure amie et démasquer le vrai tueur.

Que dire de ce roman ?

L’intrigue est intéressante, c’est indéniable, je voulais connaître l’issue de l’enquête et jusqu’au bout je me suis demandé, qui, dans l’entourage des protagonistes, pouvait être l’assassin.

Par contre, la manière de mener l’enquête est décevante, tout est trop téléphoné dans l’évolution des relations entre Kitt et l’inspecteur principal Malcom Halloran, les personnages secondaires n’ont pas assez d’épaisseur et c’est dommage. Leurs ficelles sont trop grossières pour qu’on y croit plus de cinq minutes : l’auteure peut ainsi saupoudrer son texte d’une pincée de féminisme par-ci, d’une autre pincée d’humour par-là, ou faire évoluer un personnage excentrique (la vieille femme au don de voyance émoussé) pour justifier une arme de défense utilisée en fin de roman.

Helen Cox n’a pas réussi à me convaincre quant à l’efficacité de son héroïne qui est en fait trop tant dans sa romance avec l’inspecteur que dans son attitude de suffragette. Au final, elle ne m’a pas paru crédible pour deux sous.

Je ne suis pas parvenue à m’attacher aux personnages, je les ai même trouvés franchement horripilants. L’auteure donne dans l’humour sauf que, pour moi, il tombe à plat, sans saveur, sans la truculence d’une Agatha Raisin, sans la classe d’une Lady Georgiana dicte Son Espionne royale, sans le flegme écossais d’un Hamish Macbeth ou l’humour du couple Samson et Delilah de la série « Les détectives du Yorkshire ».

« Les petits meurtres à l’heure du thé, briseur de coeurs » a été une lecture très décevante. D’habitude je parviens toujours à trouver des points positifs, là j’ai séché.

Traduit de l’anglais par Marie Chabin

Quelques avis :

Babelio Ma toute petite culture Lou Mylène Eva Les pipelettes

Lu dans le cadre

Publicité
Le Mois anglais·Littérature anglaise·Littérature classique·Poésie

Ode to a Nightingale/Ode à un rossignol

Claude Turquety, sur le groupe FB du Mois anglais, a posté le sonnet 116 de Shakespeare. J’ai trouvé l’initiative excellente car on ne partage jamais assez de poésie. Je ne suis pas anglophone, cependant j’aime les sonorités de l’anglais (même si je ne comprends que quelques mots) lorsque je lis, silencieusement, un poème anglais.

J’ai choisi, pour ce 6 juin, ce poème de John Keats (1795-1821), Ode à un rossignol.

My heart aches, and a drowsy numbness pains
  My sense, as though of hemlock I had drunk,
Or emptied some dull opiate to the drains
  One minute past, and Lethe-wards had sunk:
Tis not through envy of thy happy lot,
  But being too happy in thine happiness, —
    That thou, light-winged Dryad of the trees,
          In some melodious plot
  Of beechen green, and shadows numberless,
    Singest of summer in full-throated ease.

Mon cœur souffre et la douleur engourdit
Mes sens, comme si j’avais bu d’un trait
La ciguë ou quelque liquide opiacé,
Et coulé, en un instant, au fond du Léthé :
Ce n’est pas que j’envie ton heureux sort,
Mais plutôt que je me réjouis trop de ton bonheur,
Quand tu chantes, Dryade des bois aux ailes
Légères, dans la mélodie d’un bosquet
De hêtres verts et d’ombres infinies,
L’été dans l’aise de ta gorge déployée.

O, for a draught of vintage! that hath been
  Cool’d a long age in the deep-delved earth,
Tasting of Flora and the country green,
  Dance, and Provencal song, and sunburnt mirth!
O for a beaker full of the warm South,
  Full of the true, the blushful Hippocrene,
    With beaded bubbles winking at the brim,
          And purple-stained mouth;
  That I might drink, and leave the world unseen,
    And with thee fade away into the forest dim:

Oh, une gorgée de ce vin !
Rafraîchi dans les profondeurs de la terre,
Ce vin au goût de Flore, de verte campagne,
De danse, de chant provençal et de joie solaire !
Oh, une coupe pleine du Sud brûlant,
Pleine de la vraie Hippocrène, si rougissante,
Où brillent les perles des bulles au bord
Des lèvres empourprées ;

Fade far away, dissolve, and quite forget
  What thou among the leaves hast never known,
The weariness, the fever, and the fret
  Here, where men sit and hear each other groan;
Where palsy shakes a few, sad, last gray hairs,
  Where youth grows pale, and spectre-thin, and dies;
    Where but to think is to be full of sorrow
          And leaden-eyed despairs,
  Where Beauty cannot keep her lustrous eyes,
    Or new Love pine at them beyond to-morrow.

Disparaître loin, m’évanouir, me dissoudre et oublier
Ce que toi, ami des feuilles, tu n’as jamais connu,
Le souci, la fièvre, le tourment d’être
Parmi les humains qui s’écoutent gémir.
Tandis que la paralysie n’agite que les derniers cheveux,
Tandis que la jeunesse pâlit, spectrale, et meurt ;
Tandis que la pensée ne rencontre que le chagrin
Et les larmes du désespoir,
Tandis que la Beauté perd son œil lustral,
Et que l’amour nouveau languit en vain.

Away! away! for I will fly to thee,
  Not charioted by Bacchus and his lepards,
But on the viewless wings of Poesy,
  Though the dull brain perplexes and retards:
Already with thee! tender is the night,
  And haply the Queen-Moon is on her throne,
    Cluster’d around by all her starry Fays;
          But here there is no light,
  Save what from heaven is with the breezes blown
    Through verdurous glooms and winding mossy ways.

Fuir ! Fuir ! m’envoler vers toi,
Non dans le char aux léopards de Bacchus,
Mais sur les ailes invisibles de la Poésie,
Même si le lourd cerveau hésite :
Je suis déjà avec toi ! Tendre est la nuit,
Et peut-être la Lune-Reine sur son trône,
S’entoure-t-elle déjà d’une ruche de Fées, les étoiles ;
Mais je ne vois ici aucune lueur,
Sinon ce qui surgit dans les brises du Ciel
à travers les ombres verdoyantes et les mousses éparses.

I cannot see what flowers are at my feet,
  Nor what soft incense hangs upon the boughs,
But, in embalmed darkness, guess each sweet
  Wherewith the seasonable month endows
The grass, the thicket, and the fruit-tree wild;
  White hawthorn, and the pastoral eglantine;
    Fast fading violets cover’d up in leaves;
          And mid-May’s eldest child,
  The coming musk-rose, full of dewy wine,
    The murmurous haunt of flies on summer eves.

Je ne peux voir quelles fleurs sont à mes pieds,
Ni quel doux parfum flotte sur les rameaux,
Mais dans l’obscurité embaumée, je devine
Chaque senteur que ce mois printanier offre
à l’herbe, au fourré, aux fruits sauvages ;
à la blanche aubépine, à la pastorale églantine ;
Aux violettes vite fanées sous les feuilles ;
Et à la fille aînée de Mai,
La rose musquée qui annonce, ivre de rosée,
Le murmure des mouches des soirs d’été.

Darkling I listen; and, for many a time
  I have been half in love with easeful Death,
Call’d him soft names in many a mused rhyme,
  To take into the air my quiet breath;
Now more than ever seems it rich to die,
  To cease upon the midnight with no pain,
    While thou art pouring forth thy soul abroad
          In such an ecstasy!
  Still wouldst thou sing, and I have ears in vain —
    To thy high requiem become a sod.

Dans le noir, j’écoute ; oui, plus d’une fois
J’ai été presque amoureux de la Mort,
Et dans mes poèmes je lui ai donné de doux noms,
Pour qu’elle emporte dans l’air mon souffle apaisé ;
à présent, plus que jamais, mourir semble une joie,
Oh, cesser d’être — sans souffrir — à Minuit,
Au moment où tu répands ton âme
Dans la même extase !
Et tu continuerais à chanter à mes oreilles vaines
Ton haut Requiem à ma poussière.

Thou wast not born for death, immortal Bird!
  No hungry generations tread thee down;
The voice I hear this passing night was heard
  In ancient days by emperor and clown:
Perhaps the self-same song that found a path
  Through the sad heart of Ruth, when, sick for home,
    She stood in tears amid the alien corn;
          The same that oft-times hath
  Charm’d magic casements, opening on the foam
    Of perilous seas, in faery lands forlorn.

Immortel rossignol, tu n’es pas un être pour la mort !
Les générations avides n’ont pas foulé ton souvenir ;
La voix que j’entends dans la nuit fugace
Fut entendue de tout temps par l’empereur et le rustre :
Le même chant peut-être s’était frayé un chemin
Jusqu’au cœur triste de Ruth, exilée,
Languissante, en larmes au pays étranger ;
Le même chant a souvent ouvert,
Par magie, une fenêtre sur l’écume
De mers périlleuses, au pays perdu des Fées.

Forlorn! the very word is like a bell
  To toil me back from thee to my sole self!
Adieu! the fancy cannot cheat so well
  As she is fam’d to do, deceiving elf.
Adieu! adieu! thy plaintive anthem fades
  Past the near meadows, over the still stream,
    Up the hill-side; and now ’tis buried deep
          In the next valley-glades:
  Was it a vision, or a waking dream?
    Fled is that music:— Do I wake or sleep?

Perdu ! Ce mot sonne un glas
Qui m’arrache de toi et me rend à la solitude !
Adieu ! L’imagination ne peut nous tromper
Complètement, comme on le dit — ô elfe subtil !
Adieu ! Adieu ! Ta plaintive mélodie s’enfuit,
Traverse les prés voisins, franchit le calme ruisseau,
Remonte le flanc de la colline et s’enterre
Dans les clairières du vallon :
était-ce une illusion, un songe éveillé ?
La musique a disparu : ai-je dormi, suis-je réveillé ?

Traduit de l’anglais par Albert Laffay

Tableau: Keats à l’écoute du rossignol à Hampstead Heath, par son ami Joseph Severn.

Dans le cadre du Mois anglais

Littérature anglaise·La bibli des p'tits chats·Le Mois anglais

Journal d’un chat assassin

Tuffy est un chat comme tous les autres chats : il a l’instinct de la chasse. Mais à chaque fois qu’il rapporte chez lui, les proies du jour il a droit aux sanglots d’Ellie sa jeune maîtresse et aux regards furibonds des parents d’Ellie.

Le summum est atteint quand la famille découvre le corps sans vie de Thumper, le lapin domestique des voisins. Pour les trois humains il n’y a aucun doute : l’assassin de Thumper ne peut qu’être Tuffy, leur chat serial killer. Comment se débarrasser de la dépouille et surtout comment éviter d’être mis au ban de la société par les voisins ?

« Journal d’un chat assassin » d’Anne Fine est un texte humoristique et tendre à la fois dans lequel sont abordés les relations entretenues par les humains avec leurs animaux domestiques. Ellis aimerait tant que Tuffy ne suive pas son instinct qu’elle fond en larmes dès que, tout content, il dépose ses « cadeaux » à l’entrée de la maison. Quant à Tuffy, il imagine tout ce qu’un chat digne de ce nom peut imaginer : les humains devraient être à ses genoux et le voir comme le roi qu’il est. D’ailleurs les illustrations de Véronique Deiss sont délicieusement amusantes et aident l’enfant lecteur débutant à comprendre certaines expressions telle que « botter notre chat » ou « pleurer comme une fontaine ».

Les lecteurs débutants vivant avec un chat ne pourront que se reconnaître dans le personnage d’Ellie qui aime beaucoup son chat sans pour autant accepter sa nature féline. Qu’est censé faire un chat quand il voit une souris ou un oiseau devant lui ? Comme le dit, avec malice, Tuffy « je suis un chat tout de même ».

J’ai beaucoup aimé ce chat qui ne mâche pas ses mots et ne concède rien à ses humains. Tuffy encaisse les remontrances, la visite chez le vétérinaire, véritable épisode épique, et l’enfermement dans la maison avec un humour incroyable. J’ai ri à chaque page d’autant plus que les illustrations sont excellentes et mettent en valeur le comique des situations.

Le procédé littéraire du journal intime, choisi par l’autrice, participe également à l’humour du texte ainsi qu’à son rythme bien mené.

« Journal d’un chat assassin » s’adresse à un jeune lectorat à partir du CE2 et permet aux jeunes lecteurs de comprendre la nature d’un animal familier et domestique tel que le chat qui ne peut absolument pas aller à l’encontre de son instinct. De plus, le récit montre qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences et ne pas tirer de conclusions trop hâtives.

Traduit de l’anglais par Véronique Haïtse

Illustrations de Véronique Deiss

Quelques avis :

Céline Radio France

Lu dans le cadre

La cuisine de Chatperlipopette·Le Mois anglais

La Coronation quiche

J’ai décidé de participer aux dimanches culinaires du Mois anglais. Pour l’occasion, j’ai choisi de réaliser la recette de la désormais célèbre Coronation quiche servie lors du Couronnement du roi Charles III.

Ingrédients:

  • 1 pâte feuilletée (on peut utiliser aussi de la pâte brisée)
  • 2 oeufs (des cocottes du voisin)
  • du thym, de la sauge (je n’avais pas d’estragon), de l’ail, sel et poivre
  • 250 ml de lait de soja
  • 50 ml de crème soja
  • du râpé végétal, type cheddar
  • 200 g de fèves décortiquées
  • 150 g d’épinard (cuisinés nature)

Déroulement:

  • écosser les fèves, les cuire dans l’eau bouillante pendant 15 mn
  • préchauffer le four à 200°
  • les refroidir dans l’eau froide afin d’ôter la fine peau
  • étaler la pâte feuilletée dans le moule à tarte
  • étaler une partie du râpé au fond
  • déposer les épinards cuits
  • verser l’appareil dans lequel vous avez mis les épices et herbes aromatiques ainsi que le reste du râpé
  • répartir les fèves décortiquées, faire en sorte que l’appareil les recouvre
  • enfourner pour 30 bonnes minutes
  • servir avec une salade verte et… bon appétit!

Recette trouvée chez Vanessa et je m’en suis inspirée.

Réalisée dans le cadre du Mois anglais

chatperlipopette's chat-lon·Chat m'plaît·Le Mois anglais

Le Mois anglais, 12ème édition

Depuis le confinement de 2020, je participe au célèbre « Mois anglais » organisé par Lou Titine et Cryssilda. Cette année, encore, le programme est des plus alléchants d’autant plus qu’il y en aura pour tous les goûts.

On peut participer sur les blogs, sur le groupe Facebook du Mois anglais et sur Intagram, compte @lemoisanglaisofficiel et #lemoisanglais. Les organisatrices conseillent aux participantes et participants de taguer et d’utiliser le fameux # pour les aider à suivre tout le monde. Comment faire pour être visible? Déposer le lien des chroniques sur les blogs de Martine (Titine) et de Lou.

Le programme, le programme, le programme!

-1er juin : A vos pals !

-2 juin : Maison (une maison ayant un rôle important dans le roman, un titre comportant le mot maison ou une maison en couverture)

-4  juin : food n’drinks

-5 juin : kids/YA

-7 juin : couple

-9 juin : essai/document/biographie/autobiographie

-11 juin : food n’drinks

-12 juin : adolescence

-14 juin : gothique

-16 juin : girl power

-18 juin : food n’drinks

-19 juin : roman noir/thriller/policier

-21 juin : Elizabeth (prénom de l’héroïne, de l’autrice ou reines d’Angleterre)

-23 juin : Londres

-25 juin : food n’drinks

-26 juin : nature

-28 juin : romantisme

-30 juin : un classique de la littérature anglaise

Bien entendu, totale liberté pour le suivre à la lettre ou dans les grandes lignes. Pour ma part, j’ai choisi un titre qui regroupera plusieurs thèmes.

Mes prévisions de lecture:

« La Dame en blanc » de Wilkie Collins

« Les forestiers » ou « Retour au pays natal » de Thomas Hardy

« Petits meurtres à l’heure du thé: briseurs de coeur » de Helen Cox

« La saga des Cazelet » T2 d’Elizabeth Jane Howard

« Un manoir en Cornouailles » d’Eve Chase

« Le journal du chat assassin » de Anne Fine

« Silence radio » d’Alice Oseman

Côté cuisine:

La Coronation quiche

Les petits pois à la menthe

La soupe « London particular » version végétalienne

Le Carrot cake

Les scones végétaliens

Côté séries/films:

« The fall » / « Flowers » / « Duchesse »

« Enola Holmes »

Enjoy en Juin!

La bibli des p'tits chats (ados)·Les classiques c'est fantastique·Littérature anglaise·Littérature classique

Kim

J’avais depuis plusieurs mois, « Kim » de Rudyard Kipling dans ma bibliothèque, je tournicotais autour sans jamais me décider à l’ouvrir, le premier épisode de la saison 4 des Classiques c’est fantastique m’a fait sauter le pas. Le thème étant « un seul mot dans le titre », l’occasion était trop belle pour la laisser passer.

« Kim » a d’abord été publié en feuilleton dans un mensuel américain, ce qui explique les rebondissements réguliers digne d’un roman picaresque.

Maintenant, plantons un peu le décor. Kim, alias Kimball O’Hara, a quatorze ans et est orphelin de mère indienne et d’un soldat irlandais du régiment des Mavericks de l’armée des Indes. Ses seuls biens, un porte-amulette en cuir dans lequelle trois documents importants sont précieusement conservés : son certificat de naissance, des recommandations pour l’armée britannique et auprès d’une loge maçonnique à laquelle était affilié son père. Kim se débrouille dans les rues de Lahore en rendant de menus services aux uns et aux autres au point qu’il pourrait en être le roi. Il parle avec les gens quelles que soient leur caste ou leur religion, aussi a-t-il un surnom « l’ami de tout au monde ».

Kim croisera le chemin d’un lama descendu des hauteurs du Tibet à la recherche de la rivière, sacrée, de toute vérité en compagnie duquel il traversera l’Inde du sud au nord et du nord au sud, en train, en charrette ou à pied. Son odyssée lui fera croiser le chemin d’ « un grand taureau rouge sur un champ vert, avec le colonel sur son grand cheval et neuf cents diables » comme le lui avait prédit sa bienfaitrice, en l’occurrence un régiment irlandais, celui auquel avait appartenu son père. Il ira alors, encouragé par le lama, à l’école des blancs pour y apprendre à lire, à écrire, la topographie, et aussi subir le racisme ordinaire des maîtres de l’Inde. Comme Kim est d’une grande vivacité d’esprit, il apprend vite et bien et fait comprendre à son tuteur qu’il besoin de liberté, le temps des vacances. Il connaît les us et coutume locales, il sait tellement bien se fondre dans le décor qu’il entrera dans « le Grand jeu », métaphore de la lutte opposant les services d’espionnage de la Couronne britannique à la Russie qui tente de s’implanter en Inde.

« Kim », c’est le roman de l’Inde multiculturelle, colorée et épicée, dans laquelle ont grandi tous les anglais et anglo-indiens nés dans cette partie de l’immense empire colonial britannique. Les « métropolitains » les méprisent, aussi chaque page du roman montre combien les Anglo-indiens comme les indigènes sont loin d’être méprisables.

Rudyard Kipling rend hommage à son Inde, malgré les boutades à l’encontre de la qualité du réseau ferroviaire et routier, celle qui vit de peu, celle qui dort par terre la nuit, celle qui accueille les pèlerins, celle qui donne l’aumône, celle qui croit en de multiples divinités ou en un seul Dieu, celle qui respecte les saints hommes, celle qui marchande, celle qui survit, celle qui voit la vie en chaque animal ou plante. Il permet aux métropolitains de mieux connaître l’Inde dont ils n’ont que des échos et des préjugés. L’auteur décrit les paysages et les personnages avec une écriture d’un grand pouvoir d’évocation : j’ai vu les routes poussiéreuses, les rues boueuses, les pluies de la mousson, les temples, les caravansérails, les voies impossibles des montagnes du Tibet, tout le petit peuple qui fait que l’Inde est un immense pays fascinant.

« Kim » raconte aussi l’entrée dans la modernité de cette partie de l’Empire : on devine l’épopée du développement du chemin de fer, les administrations dans les villes, la présence de musées. L’auteur relate comment l’Inde et ses habitants s’approprient les apports de l’Occident et comment, peu à peu, les traditions seront bousculées, notamment dans une des scènes se passant lors d’un voyage en train lorsque les hindous sont contraints de partager le wagon avec des castes inférieures. Kim, d’ailleurs, traverse quelques crises identitaires au fil de son périple, de son errance, qui est-il vraiment ? S’interroge-t-il à plusieurs reprises. Un hindou, un chrétien, un musulman ? En un clin d’oeil, il peut changer d’apparence, comme le fameux agent E-17, avec des vêtements judicieusement agencés. C’est qu’il est tiraillé entre l’influence de son maître lama et celle de l’Empire par le truchement du lointain colonel et du « Grand jeu ». Cependant, jamais il n’est question de remettre en cause la légitimité de la présence britannique ou celle des castes. En cela, « Kim » reste un roman impérialiste.

Cependant, la nostalgie et la tendresse envers ce pays immense, au mille et unes langues et religions, sont au cœur du roman, surtout dans la construction du personnage du lama, personnage d’une naïveté telle que Kim ne peut pas l’abandonner dans sa quête. Le lama s’émerveille de tout, s’accommode de tout tandis que Kim déjoue les embûches et mendie avec facétie. Dans le regard et dans le cœur de Kim, et aussi du lama, c’est une Inde fascinante qui rythme les pérégrinations des deux errants dont l’humanité extraordinaire ne fait pas de doute.

J’ai vraiment apprécié cette plongée dans l’Inde des souvenirs d’enfance de l’auteur et suivre le parcours initiatique du jeune héros.

Traduit de l’anglais par Louis Fabulet

Quelques avis :

Babelio Sens critique Critiques libres

Lu dans le cadre

Le mois italien·Littérature italienne

La cucina

Rosa Fiore a toujours trouvé le réconfort dans la cucina, la cuisine de la maison familiale. En pétrissant les pâtes, en épluchant et éminçant les légumes, en découpant viandes et gibiers, en confectionnant pâtisseries et conserves de légumes et de fruits.

La « cucina » est le centre névralgique de la maison, la table en est l’autel. C’est sur cette table, installée depuis des générations, qu’ont été conçus plats et enfants, qu’ont été exposés les dépouilles mortuaires des membres de la famille. La pièce est le royaume de la vie et de la mort.

Lorsqu’elle apprend la mort de son amant, le beau Bartolomeo, Rosa est dévastée et se perd dans la confection des pâtes, nuit et jour, quand elle a épuisé leur déclinaison, elle a fait du pain à n’en plus finir puis des viandes sous toutes leurs formes, ensuite des fromages pour achever son deuil dans les conserves de fruits et de légumes et de sauces tomate. Epuisée et inconsolable, Rosa fuit la fattoria familiale avec son perroquet Céleste et une valise pour prendre le premier car à destination de Palerme où elle trouvera un travail d’aide bibliothécaire et un logement.

Au fil des chapitres, déclinés en quatre saisons, Rosa dévoile son enfance, les raisons de sa fuite, son nouveau départ et la passion amoureuse qu’elle vivra avec l’Inglese, un cuisinier hors pair.

Bien que l’autrice soit anglaise, sa passion de l’Italie fait que le roman est imprégné de toutes les saveurs de la gastronomie italienne, et tout particulièrement sicilienne . Chaque plat réalisé par Rosa l’est à la sueur des mains et des bras. Le corps de la cuisinière est le moteur de sa cuisine. Chaque dégustation se mérite et s’effectue dans le respect du travail demandé par la recette. La réalisation de la sauce tomate à la sicilienne est une anthologie de patience à la hauteur du désir amoureux… la minutie alliée à la lenteur.

« La cucina » est l’ode aux saveurs, au plaisir des papilles et des yeux, c’est une farandole extraordinaire de plats qui font saliver tout au long de la lecture. On entend chanter les sauces, tinter les couverts et les ustensiles, on suit les flaveurs odorantes des plats, on ferme les yeux pour savourer chaque instant passé au cœur de la création culinaire. Rosa est la Madone de la gastronomie sicilienne, elle en est une icône attachante.

Lily Prior saupoudre son roman de nombreuses pincées humoristiques tant les membres de la Mafia sont caricaturaux, que le rôle de l’Inglese est tellement nébuleux qu’il en devient vapeur amusante dans la danse des casseroles et autres ustensiles de cuisine. Il y a des meutres, des disparitions étranges ce qui épice la quête de Rosa. Parfois, le rocambolesque n’est pas loin, ainsi les incroyables frères siamois, Guerra et Pace, durs en affaires et d’une tendresse immense envers leur sœur. La Mama est également haute en couleurs : une femme aimant les hommes et qui ne s’en cache pas, menant son monde à la baguette, en bonne matriarche.

J’ai aimé ce roman mêlant la passion amoureuse, la sensualité des corps à celle de la cuisine. L’art culinaire n’est qu’un avant-goût, chez Rosa, de l’art d’aimer et de s’abandonner. Les saisons rythment la transfiguration de Rosa tel un papillon mûrissant dans sa chrysalide.

Une très belle découverte.

Traduit de l’anglais par Marie-France Girod

Quelques avis :

Babelio Critiques libres Sens critique

Lu dans le cadre

La cuisine de Chatperlipopette·Le mois italien

L’Italie dans mon assiette: les lasagnes à la Bolognese version végétalienne

Crédit photo: internet

Comme chaque dimanche, je passe une bonne partie de la matinée à la cuisine pour préparer mon « batch cooking » de la demie semaine (lundi et mardi). Je suis une fan des lasagnes, je ne me lasse pas d’en préparer et encore moins d’en manger. Aujourd’hui j’ai cuisiné des lasagnes à la bolognese version « vegan ».

Ingrédients:

  • 60g de pst (protéines de soja texturé)/ la semaine dernière j’avais utilisé un haché végétal aux féveroles et pois.
  • 1 cc de bouillon de légumes
  • du râpé végétal (type mozzarella)
  • 1 boîte de sauce tomate maison (sortie du congélateur) dotées de carottes coupées en dé et de petits morceaux de haricots vert.
  • des plaques de lasagnes
  • de la béchamel (version végétale avec du lait de soja et de la margarine)

Déroulé de la recette:

  • mettre les pst à tremper dans de l’eau tiède avec la cc de bouillon pendant 15 mn
  • ensuite, faire réchauffer la sauce tomate maison dans une sauteuse
  • ajouter les pst puis le reste du bouillon
  • Pendant que la préparation mijote, faire la béchamel (je la fais au Vorverk)
  • Quand la béchamel est prête, commencer à poser les premières plaques de lasagnes, étaler deux belles cuillerées de garniture, saupoudrer de râpé végétal, couvrir avec 2 plaques de lasagne, appuyer doucement avant de déposer quelques cuillerées de béchamel. Mettre un peu de garniture (2 cs) et ainsi de suite. Quand les étages sont terminés, recouvrir le tout avec le reste de béchamel et enfourner (four à 200°) pour 1h de cuisson.
  • Bon appétit.
  • NB: c’est meilleur le lendemain.

Quelques photos:

Le mois italien·Littérature italienne·nouvelles

Le poids du papillon

Il y avait bien longtemps que je n’avais lu un roman d’Erri de luca. En ce mois italien, j’ai choisi « Le poids du papillon » et je n’ai pas été déçue.

La quatrième de couverture dévoile trop le sujet de ce court roman et c’est vraiment dommage. Donc, un conseil : ne pas la lire.

Erri de luca raconte le duel entre deux personnages : le roi de la montagne, un vieux chamois qui a grandi seul dans la montagne après la disparition de sa mère abattue par un chasseur, sans harde jusqu’au jour où il a gagné son combat face à un mâle dominant ; et un chasseur solitaire, un ancien révolutionnaire qui a préféré se retirer dans les solitudes montagnardes, loin des hommes, pour vivre au rythme de la nature.

Très vite, on apprend que c’est l’homme solitaire qui a abattu la mère du roi de la montagne, que depuis plus de vingt ans la course poursuite entre l’homme et l’animal est un art de l’esquive pour le chamois et un jeu de patience pour l’homme.

L’animal et l’homme ont un point commun : ils ne font pas comme les autres. Ainsi, le roi de la montagne a-t-il appris à creuser des abris entre les racines des pins, à manger ce que les autres chamois ne mangent pas, à ne pas redouter l’orage ni la foudre. Ce mâle n’a jamais appris les règles de vie d’une harde et pourtant il mène les siens avec autorité tout au long des saisons. Il sait qu’il est le trophée que désire l’homme solitaire. Dès le retour de la belle saison, un papillon accompagne le roi de la montagne, posé sur une de ses cornes. Cette compagnie dure depuis qu’il a remporté le duel faisant de lui le chef du troupeau, quand, ne connaissant pas les règles immuables, il a éventré du bout de ses cornes son adversaire.

Année après année, l’animal, d’une taille et d’une force exceptionnelles, déjoue les ruses du chasseur solitaire. Jusqu’à cet automne qui sonne le glas du déclin de l’animal et de l’homme. Ce dernier part en montagne, pour la dernière fois, afin de réaliser son rêve : le trophée de la barbe et des cornes. Le roi de la montagne sait que ce sera sa dernière saison, il ne veut pas combattre en duel ses fils, il ne veut pas fléchir. Il a décidé qu’il irait mourir, seul, dans un coin perdu.

Erri de Luca met en scène ce duel avec une immense délicatesse, avec une grande poésie dans laquelle les paysages des Alpes italiennes font de somptueux décors. L’homme et le chamois font corps avec elle, ils escaladent, bondissent, franchissent les obstacles avec agilité. Ils sont les deux faces d’une même pièce, tel un Janus.

Chaque mot est pesé, est écrit dans son sens le plus juste. Il n’y a rien de trop, tout est précis et d’une beauté irréelle. L’émotion grandit au fil du roman, elle empoigne le lecteur avec force. Toute la vie est là, dans cette montagne majestueusement minérale.

« Le poids du papillon » est le récit d’un déclin d’une vie accepté et assumé : la fin est proche, certes, mais il n’y a aucun regret, aucune peur à la quitter puisque le cycle de la vie est ainsi fait. Ainsi le roi de la montagne a-t-il choisi sa mort, dans un geste ultime pour protéger les siens. La liberté de choisir n’en est que plus belle.

La nature est d’une force extraordinaire face à l’adversité des éléments : le pin des Alpes, auquel l’auteur rend visite chaque année, en est la preuve. A l’approche de la foudre, la lymphe est au ralenti, le signal d’une dormance ponctuelle est lancé, l’arbre attend que l’orage passe. Il arrive, parfois, que la foudre tombe sur lui. Il sacrifie un tronc pour se sauver et prendre des allures d’équilibriste en croissant perpendiculairement à la paroi.

« Un arbre solitaire a une clôture invisible, aussi large que son ombre à poser tout autour. Avant d’y entrer, je retire mes sandales. Je m’allonge sous sa lumière. » (p 74, « Visite à un arbre »)

Une lecture qui met en harmonie avec Dame Nature grâce à la dimension poétique de l’écriture d’Erri de Luca. Un merveilleux voyage.

Roman traduit de l’italien par Danièle Valin.

Quelques avis :

Jostein59 Charybde2 Manou Babelio Actuallité Sens Critique

Lu dans le cadre

#Un mois au Japon·Littérature japonaise

Je reviendrai avec la pluie

Le titre m’avait beaucoup plu aussi me suis-je laissée tenter par la lecture. « Je reviendrai avec la pluie » de Takuji Ichikawa est un roman sur le deuil d’un être cher, sur le quotidien que l’on doit vivre sans lui, sur la difficulté à vivre sans lui.

Takumi est un jeune veuf, un homme qui a toujours été timide, replié sur lui-même, qui a peur des transports en commun, des voitures, il n’a donc pas le permis, et qui se déplace à pied ou à vélo. Depuis qu’il est veuf, il doit se débrouiller seul avec son jeune fils, Yûji, et ce n’est guère facile car, avant Mio organisait tout, l’air de rien, pour que le quotidien de ses deux hommes soient sans heurt. Takumi tient bon car Mio lui a fait une promesse au moment de passer de l’autre côté, elle lui a promis de revenir avec la pluie pour voir comment il se débrouille. Alors, il ne craque pas malgré les lessives en retard, la cuisine sans dessus-dessous, les vêtements décorés par les traces des repas, les cheveux non coupés, les vêtements pas assortis. Il veut revoir Mio, son unique amour.

Yûji et Takumi se rendent en forêt, près d’une usine désaffectée, lieu habituel des promenades avec Mio. Le petit garçon n’a pas perdu l’habitude de chercher des vis et boulons pour sa collection, il recherche l’objet rare avec persévérance. Il n’oublie pas de déposer une lettre, chaque dimanche, dans la vieille boîte aux lettres, pour sa mère qui vit dans un pays appelé, par Takumi, Archivie où les disparus vivent tant qu’on se souvient d’eux. On ne sait pas s’il se rend compte que sa mère est morte, il est distrait, il dit souvent « Vraiment ? » ou encore « Hmmm ».

Au début de la saison des pluies, Mio revient, ils la rencontrent près de l’ancienne usine. Tout naturellement, ils reprennent leur vie d’avant. Cependant, ils sont prudents car pour les voisins et proches, Mio n’est plus de ce monde. Seul, le vieil homme, surnommé le Professeur, qui promène son chien muet dans le parc sait que Mio est de retour et n’en est pas étonné, comme si Mio, qui discutait très souvent avec lui, le lui avait confié avant son départ.

Pendant six semaines Mio et Takumi, dit Tak-Kun, se redécouvrent, parce que Mio, à Archivie a perdu une partie de ses souvenirs. Tous les trois se réapprennent, Mio et Takumi se relatent, la nuit, leurs souvenirs d’enfance et d’adolescence, comment ils se sont plu sans se le dire, combien leur attirance a mis du temps à s’avouer, comment ils se sont aimés avec amour et tendresse infinie. Ils retombent amoureux l’un de l’autre.

Mio apprend à son fils et son mari à tenir une maison, à cuisiner sainement, à harmoniser les couleurs des vêtements, à ranger, à faire le ménage, à se nettoyer les oreilles régulièrement, à réaliser les petits riens du quotidien afin de pouvoir partir, définitivement, l’esprit tranquille.

Il y a des moments poétiques, des moments de grande émotion et une pointe de fantastique avec le retour du fantôme de Mio. Cependant, j’ai trouvé que l’auteur forçait le trait lorsqu’il fait dire à Mio que Tak-Kun ou Yûji « Tu es une personne merveilleuse », « Aies confiance en toi », « Tu vas à fond », ces petites phrases telle une antienne mille fois entendue, ternissent l’histoire avec leur côté développement personnel. Pourtant, ce qui m’avait agacée chez Marc Levy, dans les deux seuls romans que j’ai lus, ne m’a pas fait hurler ici. Sans doute parce que je sais qu’au Japon, la bienveillance envers les enfants est sacrée, que les adultes font tout pour que les petits grandissent dans la confiance, dans la sécurité et avec tous les encouragements du monde lorsqu’ils réalisent des progrès vers l’autonomie. L’auteur parvient à éviter les écueils de la mièvrerie, même si le franchissement de la ligne est proche, et du ridicule. A petits pas japonais, l’équilibre est rétabli avec grâce. L’auteur a pris un risque, c’est évident, avec son roman d’amour qui aurait peu être aussi pénible qu’un Harlequin. C’est, au final, ce qui fait tout son charme : la guimauve est, certes, présente mais elle ne dégouline pas du tout. Tout est en délicatesse et suavité.

« Je reviendrai avec la pluie » de Takuji Ichikawa est un roman d’une immense sensibilté, imprégné de poésie et de tendresse, doté des personnages attachants.

Roman traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon

Quelques avis :

Babelio Yuyine Mélissa Jostein59 Lisa Des plumes et des livres Maho

Lu dans le cadre