La bibli des p'tits chats (ados)·Littérature française·Roman graphique/BD

Les yeux fermés

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Depuis le mouvement #metoo et la levée du tabou de l’inceste, les témoignages sont de plus en plus nombreux dans la sphère littéraire. La parole enfin libérée permet aux victimes d’entrer en résilience ou d’avancer dans leur reconstruction psychologique.

« Les yeux fermés » est le récit d’une victime d’inceste, Héloïse Martin, mis en images par Valentine de Lussy et scénarisé par Baptiste Magontier. Au-delà de la violence subie, le roman graphique met l’accent sur la vie familiale après le procès.

Emilie, à l’occasion des 50 ans de mariage de ses grands-parents, retrouve sa famille pour fêter l’événement. Or, celui qui a perpétré le crime est également présent, plongeant Emilie dans son passé douloureux. Pourquoi a-t-il été invité alors qu’il a été reconnu coupable de son crime sexuel ? Comment la famille peut-elle encore le laisser côtoyer de jeunes enfants tout en sachant qu’il est pédophile ? Cela dépasse Emilie et la révolte au plus haut point. La tension est palpable, les attitudes des uns et des autres gênantes parce qu’elles oscillent entre le désir de fermer les yeux pour la fête et la compréhension de ce qu’elle a souffert. Peu à peu, on comprend qu’Emilie n’a pas été la seule à subir des attouchements, sa cousine aussi en a souffert. Sauf qu’elle aurait préféré que rien ne transpire, que le secret n’ait jamais été éventé. Elle en veut beaucoup à Emilie d’avoir parlé, elle ne lui pardonne pas la tenue du procès. La grand-mère est également acerbe : elle refuse que la fête soit gâchée par la remontée des souvenirs dérangeants. Le comble de son aveuglement se dévoile lorsqu’elle assène, énervée, de manière cruelle, qu’il a été puni, qu’il a payé sa dette à la société et que tout le monde a droit au pardon. Peut-être …. mais de là à le mettre en présence d’Emilie et de jeunes enfants il y a un pas qui n’aurait pas du être franchi. Les retrouvailles autour d’une grande tablée joyeuse deviennent un cauchemar et montrent combien la famille est loin d’être solidaire envers Emilie, la victime.

« Les yeux fermés » invitent à une réflexion sur l’accompagnement familial des victimes d’inceste ou d’abus sexuel. Parfois, au lieu d’être aidante, elle devient accusatrice et tourne le dos au lieu d’entourer la victime et de lui faire comprendre qu’elle est toujours aimée et estimée, qu’elle reconnaît pleinement les droits et les préjudices subis par la victime. C’est ce qui m’a le plus glacée : la gifle donnée à Emilie par sa cousine, et les remarques de sa grand-mère. Deux personnages qui m’ont hérissée par leur agressivité et leur absence d’empathie. Réactions certainement dues au fait qu’un choix impossible leur est demandé depuis le début.

L’illustratrice, Valentine de Lussy a choisi une gamme de couleurs très douces et délicates. Le propos est amené avec délicatesse, sans outrance graphique, ce qui sert parfaitement le texte. Les personnages sont dessinés de manière minimaliste ce qui donne encore plus de force, positive ou négative, aux propos tenus.

« Les yeux fermés » est un ouvrage intéressant car accessible à un lectorat de jeunes adolescents. En fin d’album, sont données les diverses informations utiles ainsi que des numéros verts.

Je remercie NetGalley et les éditions Dupuis pour cette lecture qui m’a bouleversée et beaucoup émue.

Quelques avis:

Babelio

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4 commentaires sur “Les yeux fermés

    1. C’est la première fois que je lis un témoignage sur ce sujet très difficile à aborder. Autant je ne souhaitais pas lire ce genre de récit autant j’ai apprécié cette lecture en images. Le roman graphique permet, sans doute, d’être plus abordable.

      J’espère qu’il aura une longue vie car la libération de la parole est essentielle pour combattre ces horreurs.

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