Littérature française

J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort

La rentrée littéraire réserve souvent de belles surprises, «J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort » d’Adèle Fugère en fait partie. Ce court roman est une vraie pépite.

Rosalie a huit ans, elle passe pour la rigolote de service mais au fond d’elle, un poids énorme l’empêche souvent de respirer, même de rire. Elle a ses moments sombres qui lui gâchent la vie, qui lui apportent des pensées mortifères. Rosalie est très proche de son Papy qui la comprend sans qu’il y ait besoin de grands discours, il lui apprend des tas de choses intéressantes et des expressions désuètes telles que « c’est sensass ». Elle a un camarade de classe, Simon, un peu différent des autres, il ne parle pas beaucoup, il est là, tout simplement là. Un matin, Rosalie se réveille avec une gêne au-dessus des lèvres, elle monte sur le rehausseur de la salle de bain et dans la glace s’aperçoit qu’elle porte une moustache. Elle descend prendre son petit-déjeuner et annonce à sa mère qu’elle ne s’appelle plus Rosalie mais Jean Rochefort. A partir de là, Rosalie/Jean ose dire les choses, se libère et constate que son « cortex la laisse tranquille ». On peut même dire que cette moustache changera son regard sur le monde. Rosalie/Jean vivra quelques péripéties à ne pas piquer des hannetons, péripéties relatées avec humour parfois décalé … ce qui donne tout son sel au récit.

Adèle Fugère aborde, avec «J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort » un tabou sur lequel, depuis quelques temps, on lève le voile : le mal-être des enfants. Le confinement a certainement été un élément déclencheur pour libérer la parole autour de la dépression enfantine. On comprend que Rosalie est très entourée par ses parents et son grand-père, qu’elle a été suivie par un pédopsychiatre, que tout est fait pour qu’elle se sente mieux voire bien. D’ailleurs, la réaction de la maman lorsque Rosalie déclare qu’elle s’appellera désormais Jean est parlante : une fois la surprise passée, elle accepte le changement pour que Rosalie, devenue Jean, aille mieux. Si devenir Jean permet à Rosalie d’être mieux, alors allons-y pour Jean. C’est ce qui est merveilleux dans le roman, on ne juge pas, on accepte et on joue le jeu pour le bien de la jeune héroïne. Le récit, également, s’adapte puisque lorsque Rosalie devient Jean, l’autrice troque le pronom « elle » pour le « il ».

La dépression enfantine est traitée avec humour mettant de côté le pathos inutile pour permettre à l’intrigue d’aller jusqu’au dénouement.

Bien entendu, les références aux films et à la carrière de Jean Rochefort se glissent à chaque page, de manière explicite ou implicite. Toujours est-il que c’est un régal à décrypter et à savourer. Au point qu’à un moment, lors de ma lecture, je me suis dit, Jean Rochefort … est toujours parmi nous, non ? Hélas, non, il a rejoint les étoiles depuis 2017 et pourtant quand on l’évoque, on a l’impression extraordinaire qu’il est présent sur scène.

« J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort » est un roman que l’on a envie de lire et relire pour débusquer les ombres de Jean Rochefort, apprécier le rythme du récit, retrouver avec tendresse Rosalie et ses indignations justes et salvatrices. J’ai eu, tout le temps, envie de le lire à haute voix tant le texte est pétillant, drôle et tendre.

Une très belle découverte.

Quelques avis :

Babelio Buchet-Chastel

5 commentaires sur “J’ai 8 ans et je m’appelle Jean Rochefort

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