LaBD de la semaine·Littérature française·Roman graphique/BD

Céleste, bien sûr Monsieur Proust (première partie)

L’album avait fait partie des coups de cœur des bibliothécaires de la médiathèque de ma commune. Je m’étais dit que je le lirais à l’occasion, sans plus. Puis, j’ai lu des commentaires élogieux et enthousiastes qui ont fini par me convaincre qu’il était nécessaire que je le lise. Quand, enfin !, l’exemplaire m’a été prêté, une certaine appréhension m’a assaillie : et si mon attente avait embelli les choses au point que cela fasse « pschiiiittt » ? Et si j’étais horriblement déçue ? Et si … et si …. et si…

1913, Céleste Albaret, tout juste arrivée de sa Lozère natale, jeune épouse d’Odilon, chauffeur à l’occasion de Mr Proust, ne sait pas quoi faire de ses dix doigts. Grâce à son époux, elle entre au service de Marcel Proust, d’abord à temps partiel puis rapidement à temps complet car elle est amenée à remplacer le majordome de la maison. Se tisse, entre 1913 et 1922 année de sa disparition, une amitié atypique entre Proust et Céleste. Chloé Cruchaudet, puisant à de nombreuses sources, met en lumière une relation extraordinaire et hors du commun entre Céleste, bonne à tout faire puis surtout gouvernante et secrétaire du grand homme, et Marcel Proust. C’est qu’ils se ressemblent un peu par leur côté décalé et fantasque. Céleste est dévouée et protectrice envers cet écrivain souffreteux, préférant les hommes aux femmes, précieux et raffiné. Elle, si éloigné de monde des gens aisés, cultivés et parfois hautains. Elle saura apprendre à ne pas déplacer la poussière, art subtil et ardu, à lui servir un café toutes les heures, à ne pas déranger ses petites manies, à lui préparer ses bouillottes, à l’écouter parler, se plaindre des uns et des autres, à faire en sorte que rien ne puisse ennuyer Marcel Proust. Céleste la petite campagnarde pleine de vie avec ses rêves, pose un regard sur le monde empreint de jovialité et de bienveillance. Proust, cet homme d’un monde et d’un temps bientôt révolus, est dessiné avec brio, tout en détails amusants et émouvants. A ses côtés, Céleste s’épanouira, grandira à l’ombre d’un amour platonique tout en délicatesse. Entre réalité et fantasmes, j’ai adoré la manière dont elle met en images les recommandations de son mari « c’est une petite chose fragile et délicate qui a besoin de nous… sa chambre, c’est tout son monde. Quand il sort c’est pour glaner de la matière pour « son oeuvre », comme il dit, ça c’est mon rôle … le tien c’est d’assurer sa tranquillité et son café… ». Et puis il y a ces gentillesses adorables de Monsieur Proust « Vous êtes jolie, Céleste ».

Chloé Cruchaudet réussit parfaitement à faire entrer le lecteur dans les pensées de Céleste grâce aux passages oniriques du récit graphique. Comme elle parvient, magnifiquement, à montrer la connivence entre Céleste et Proust tout en soulignant que chacun reste à sa place tout en respectant l’autre. Céleste est attachante, émouvante, je n’ai pas eu envie de la quitter. Quant à Marcel Proust, il est à l’image d’une époque enfuie : délicieusement suranné, sans illusion sur ses contemporains et appréciant le confinement dans sa chambre, lieu de toute sa créativité littéraire… ô ces pages pliées en accordéon et collées par Céleste lors des relectures et corrections du Maître.

« Céleste, bien sûr Monsieur Proust » est un album « cocon », d’une grande douceur dans le texte et les illustrations. Il est beau, tout simplement. Ce fut un enchantement que de le lire et d’apprécier chaque dessin, chaque détail, chaque moment d’immersion dans une très belle histoire d’amitié respectueuse.

« Etre avec lui, l’écouter parler, le regarder travailler, l’aider dans la mesure de mes moyens. C’était comme de se promener dans une campagne où il y a partout de nouvelles sources qui jaillissent. »

Quelques avis :

Babelio Gambadou Antigone

Quelques planches:

Lu dans le cadre

Les bulles de la semaine sont chez Mokamilla.

23 commentaires sur “Céleste, bien sûr Monsieur Proust (première partie)

  1. J’avais les mêmes appréhensions que toi mais je n’ai pas été déçue moi non plus ! Il y a plein de chouettes trouvailles graphiques et c’est une belle histoire aussi

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    1. L’histoire est belle tout en délicatesse. Les liens tissés au fil des jours entre Céleste et Proust sont solides et respectueux. Deux originaux, chacun à sa manière, se sont trouvés pour cheminer un peu ensemble.

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    1. Excellente idée. D’autant plus que le roman graphique est très bien fait. L’autrice-illustratrice s’est appuyée sur un récit des souvenirs de Céleste Albaret mis en forme par Jacques Guérin « Monsieur Proust »

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  2. J’ai essayé de lire Proust de multiples manières sans y parvenir, alors je prends les moyens détournés, et cette bd me semble parfaite pour cela! J’avais vu les étapes de sa création sur l’IG de l’autrice et cela m’avait déjà donné envie. Ton avis me conforte dans cette attirance !

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