An american year·Littérature américaine

Les vies privées de Pippa Lee

« A cinquante ans, Pippa Lee apparaît à tous ceux qui la connaissent comme « une des dames les plus charmantes, les plus gentilles, les plus adorables, les plus simples et les plus rassurantes qu’ils aient jamais vues ». Epouse parfaite, mère dévouée, hôtesse accomplie et sereine, elle semble avoir tout pour être heureuse… » Mais ….le tableau idyllique se fissure quand son époux Herb achète une maison dans une banlieue aisée pour retraités et qu’elle le suit, quittant leur appartement new-yorkais pour une nouvelle vie.

La nouvelle vie de Pippa Lee, mariée à un homme de trente ans son aîné pour lequel elle éprouve un amour fou, éditeur réputé, s’écoule tranquillement, en apparence seulement. Subtilement, le passé de Pippa refait surface quand la peur de la mort de son époux devient trop récurrente dans ce quartier où ne vivent que des gens âgés, où elle est une des plus jeunes résidentes, quartier anti-chambre de la fin de vie tant redoutée. Pippa s’interroge sur qui elle est vraiment, elle recherche sa véritable identité en laissant se réveiller une sensualité endormie et remonter un passé mystérieux et trouble dont les excès avaient été soigneusement oubliés.

Qui est Pippa ? Qui est derrière ce portrait lisse d’une mère aimant ses jumeaux, Ben et Grace, les choyant jusqu’à oublier qu’elle existe, elle aussi ? Rebecca Miller, dans ce roman à énigme psychologique, répondra à cette question. Lentement, au fil des bribes récoltés dans le récit, le lecteur assemblera les morceaux du puzzle pour reconstituer la Pippa oubliée, la Pippa qui repointe le bout de nez en pleine cinquantaine.

Dans le tumulte des souvenirs se construit le futur, très proche, de Pippa : accepter le sentiment de culpabilité qui la ronge depuis sa rencontre, salvatrice alors, avec Herb, s’en défaire pour acquérir une nouvelle liberté. Le confort d’une vie aisée et sécurisée avait lissé la capacité de rébellion de Pippa, avait lissé sa soif d’aventure et de sensations fortes. Ne pas mourir d’ennui, ne pas sombrer dans la dépression en vivant dans ce quartier morne fait de résidences identiques.

Rebecca Miller, avec son héroïne Pippa, égratigne allègrement les travers d’une Amérique malade de ses défauts et de ses failles : la course au succès et à la réussite, l’instrumentalisation de la femme pour y parvenir, le culte du bonheur selon des préceptes préétablis par les médias et les hypocrisies recouvrant le tout. Dès que l’on prend des chemins de traverse, le refus de ces mascarades devient évident.

J’ai apprécié ce voyage dans l’intimité de Pippa, femme cinquantenaire qui ose regarder la réalité en face et faire fi du regard d’autrui. Elle force le respect et se réconcilie avec sa fille grâce à ses choix ultimes. Le milieu littéraire new-yorkais est décrit sans concession, entre le romancier à succès qui aime être mis en valeur par une poétesse dépressive, la poétesse et son mal de vivre et l’éditeur à l’écoute constructive sans être mielleuse, une galerie de portraits amusants et parfois glaçants,

J’ai aimé Pippa et ses vies antérieures tellement extrêmes et hallucinantes, Pippa et sa vie d’épouse et de mèère sage et attentionnée redevenant rebelle avec brio. Pippa, la femme amoureuse de son Herb et de sa liberté. La vie ne s’arrête pas à cinquante ans, loin s’en faut !

Roman traduit de l’américain par Cécile Déniard

Quelques avis :

Babelio Sens critique

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4 commentaires sur “Les vies privées de Pippa Lee

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