En sortir 24 pour 2024·Le mois italien·Les classiques c'est fantastique·Littérature italienne

Inventaire d’une maison de campagne

Pour commencer la saison 5 des Classiques, c’est fantastique, le thème est « l’écrivain et la nature ». Pour l’illustrer j’ai choisi un classique italien, peu connu « Inventaire d’une maison de campagne » de Piero Calamandrei.

La vieillesse est un virage de l’existence, un de ses nombreux virages, son virage ultime avant la dernière ligne droite menant à un ailleurs, celui de tous les possibles éthérés.

Le narrateur, au crépuscule de sa vie, se penche sur ses souvenirs d’enfance, dans une maison de campagne en Toscane. Il observe le petit garçon qu’il a été et dont il conserve, au plus profond de son âme, l’image.

Que ce soit à Montepulciano ou à Montauto, les souvenirs du vieil homme m’ont emportée à la découverte des sous-bois, des prairies en fleurs, des arbres propices à la construction de cabane isolée du monde des adultes, du soleil brillant sur une campagne endormie avant les moissons et les labours. Le jeune garçon s’éveille aux beautés du monde avec la grâce de l’ennui et celle de l’insouciance juvénile. Le temps traîne ses pas comme s’il ne souhaitait pas que l’été se déroule trop vite vers l’automne. Le monde est contenu dans le jardin qu’il explore au fil des semaines.

Tout est émerveillement : le jardin secret gardé par des statues oubliées, la cueillette des premiers champignons après les pluies estivales dans les sous-bois. Ô que les scènes sont belles et parfois cruelles lorsque, ravi d’avoir trouvé une magnifique oronge, le jeune Piero s’aperçoit que les autres cueilleurs ont ratissé les bois et rempli leurs paniers. Ô les sorties à la foire en charrettes ornées, allant moins vite que les piétons aguerris mais permettant une proximité corporelle entre jeunes gens et jeunes filles. Ô les leçons dispensées par le grand-père et la récompense au bout des efforts, l’eau de miel. Ô les trésors accumulés par l’aïeul dans son bureau, véritable cabinet de curiosités pour un jeune garçon, les étiquettes innombrables, les bouteilles aux formes étranges et belles, les clefs égarées de trousseaux antédiluviens, les livres rayonnants sur les étagères des bibliothèques, tout un univers de savoirs mystérieux au pouvoir de faire émerger un imaginaire débordant de créativité. Ô les jeux avec l’oncle Domenico resté dans l’enfance malgré ses cheveux gris, compagnon sans faille lors des repas en famille.

La vie, sous les chants des oiseaux bavards, s’écoule lentement dans la douceur toscane, charriant un art de vivre précieux et intime. Il ne se passe rien, sans doute … peut-être…., pour un regard inattentif, cependant la contemplation, expurgée de la naïveté de l’enfance, permet l’explosion des souvenirs, le voyage intérieur qui façonne l’être mature que chacun devient. Chaque pas dans le passé est un pas dans une nature omni présente, une nature bienveillante, une nature avec sa part de mystère. Le jeune garçon y est sensible tout comme le vieil homme qu’il est devenu.

« Inventaire d’une maison de campagne » de Piero Calamandrei est une ode joyeuse, malgré la nostalgie qui se dégage du récit, à la vie, à une Toscane immuable dans ses rituels saisonniers. L’auteur, en toute simplicité, offre un voyage dans son intériorité, lui qui fut antifasciste et participa à l’élaboration de la Constitution italienne. En dévidant le fil de ses souvenirs d’enfance, tel un cadeau fait aux siens et à ses amis, il évoque le sens de l’histoire et la responsabilité que cela exige.

L’écriture est d’une beauté à couper le souffle tant par sa poésie que par toutes les émotions qu’elle fait surgir… comme l’impermanence de l’existence non pas par la floraison des cerisiers mais par le surgissement éphémère des champignons.

« L’inventaire d’une maison de campagne » est un récit autobiographique qui apporte douceur et rêverie… en un mot comme en mille, sa lecture est apaisante et bienfaisante.

Traduit de l’italien par Christophe Carraud

Quelques avis:

Babelio

Lu dans le cadre

9 commentaires sur “Inventaire d’une maison de campagne

  1. ca c’est du billet enthousiaste et tentateur! je ne connais pas du tout cet auteur, mais je me le note. D’autant que je lis très peu de litté italienne. Merci!

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    1. Moi non plus, je ne le connaissais pas C’est un ami qui m’en avait parlé, il y a un ou deux ans, lors de sa réédition. La situation actuelle mondiale est tellement angoissante qu’il est parfois appréciable de lire ce genre de récit d’enfance.

      J’espère que tu auras l’occasion de le lire.

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