Littérature française·Prix Louis Guilloux 2024

Les eaux du Danube

Le roman de Jean Mattern « Les eaux du Danube » fait partie de la sélection du Prix Louis Guilloux 2024. C’est avec ce titre que je commence ma participation à ce prix littéraire.

Le narrateur est pharmacien à Sète depuis plus de vingt ans. Il est marié à Madeleine, spécialiste de Paul Valéry, et mène une vie calme et sans histoire : Clément Bontemps est, aux dires de Madeleine, un homme sans passion. Etre issu de la bonne bourgeoisie lyonnaise n’est pas le tremplin rêvé pour une vie hors norme. Clément a toujours appris qu’il n’était pas nécessaire d’être extravagant, fantasque rejetant les cases sociales pour être heureux …. surtout pas. Ne pas faire de vague, ne pas se faire remarquer, apprendre le solfège, un peu, bachoter, beaucoup. Le couple a un fils, Matias, brillant élève de terminale, promis à un bel avenir universitaire. Le jeune homme est passionné de littérature et de musique comme sa mère.

Tout vole en éclats, certitude, vie conjugale, idée du bonheur, suite à l’appel téléphonique du professeur de philosophie de son fils. Clément se retrouve face à un questionnement intime tel que les fondations de sa vie, construites sur le calme de la monotonie rassurante, tremblent au point de le faire vaciller. Clément, d’homme presque dénué d’émotions, devient fantasque en allant à la plage pour la première fois en vingt ans, en liant connaissance avec une touriste écossaise, en échangeant régulièrement avec le prof de philo, George Almassy, portant le même patronyme que sa mère. Cet homme lui expliquera le passé après-guerre de la Hongrie, l’éveillera ainsi aux vérités, sous ses yeux, qu’il ne voit pas. Peu à peu, Clément renaît à la vie.

« Les eaux du Danube » est un roman sur la quête de l’intime, l’ouverture, un à un, des tiroirs secrets d’une vie, sur la quête des origines, sur le masque des faux-semblants : Madeleine, Matias sont-ils ce qu’ils paraissent ? Clément, au fil des découvertes, les perçoit sous un autre jour et découvre l’effet libérateur de l’introspection.

Jean Mattern a écrit un roman d’une grande délicatesse autour des faux-semblants, de la filiation, de l’homosexualité et de la musique, Schubert et ses pièces musicales rythment le récit et magnifient les personnages. L’écriture est somptueuse par l’apparente simplicité des mots, ces mots délicats qu’il a choisi avec attention afin d’atteindre la justesse dans son propos. Chaque mot est pesé et posé, sans fioriture inutile, pour apporter une dimension de transmission filiale au récit. L’émotion est toujours présente sans être mièvre, l’émotion est suscitée au gré des mots justes et simples, ceux qui font mouche et qui touchent.

Un excellent roman sur le pas-de-côté, le lâcher-prise, la filiation et l’ébranlement des certitudes dans une vie bien réglée. Une lecture qui m’a marquée et profondément touchée .

Quelques avis :

Babelio Papivore Jean-Paul

Lu dans le cadre

1/10